La psychose puerpérale ou psychose périnatale est différente des autres troubles liés à la grossesse ou à l’accouchement. C’est un trouble psychiatrique grave qui, lorsqu’il survient, a souvent lieu une semaine après l’accouchement. Dès l’apparition des premiers symptômes psychotiques, il est essentiel d’avoir une prise en charge spécialisée : l’état de confusion et les délires peuvent mettre en danger à la fois la mère et son enfant. Le plus difficile est de repérer les symptômes, mais une fois prise en charge, la mère et son enfant peuvent vite aller mieux.
La psychose puerpérale n’est ni un mal ni une découverte récente. Dès le 4e siècle avant notre ère, Hippocrate s’était déjà penché sur ce trouble : dans le 3e livre des épidémies, il raconte l’histoire d’une jeune femme frappée de folie 6 jours après la naissance de ses jumeaux.
Plus tard, ce sont les travaux d’Esquirol, en 1819, qui ont donné une interprétation humorale de la psychose puerpérale : « la remontée au cerveau d’un mélange de sang et de lochies ». Louis-Victor Marcé, son élève qui s’interrogeait sur la singularité de cet épisode lui consacra en 1858 un livre intitulé Traité de la folie des femmes enceintes, des nouvelles accouchées et des nourrices. Il était sans doute soucieux d’apporter quelques explications psychologiques aux infanticides maternels que le 19e redoutait par-dessus tout.
C’est d’ailleurs au 19e siècle que l’on doit le nom de psychose puerpérale, qui lie aliénation mentale et expérience de la maternité. L’expression signifie en latin : affection liée à l’enfant.
Depuis, les influences de la psychanalyse puis de la psychiatrie ont œuvré vers des pratiques focalisées sur l’enfant en lien avec sa mère. Depuis 1960, grâce aux travaux notamment de Racamier, la mère n’est plus en théorie séparée du bébé.
Dans la réalité faute de place dans les unités mère-bébé, elle est encore fréquemment séparée de son enfant avec l’argument fallacieux que c’est mieux ainsi pour les deux !
La psychose puerpérale se présente donc comme une déstructuration psychique plus ou moins caractérisée qui nécessite une hospitalisation d’urgence et qui devrait en toute logique et humanité nécessiter dans le même temps — ou très peu de temps après, quelques jours tout au plus, le temps que les principaux symptômes de confusion s’apaisent — une hospitalisation conjointe avec son enfant, dans le cadre d’un milieu thérapeutique très contenant.
Les troubles diminuent en une dizaine de jours avec parfois des rechutes dans les premiers mois qui suivent.
En raison de la nature de la psychose puerpérale, c’est à l’entourage, et non à la mère elle-même, que revient le soin de déceler les différents symptômes et signes. Ceux-ci se caractérisent par des troubles thymiques (ou troubles de l’humeur) récurrents et phases maniaques, sans qu’il y ait d’antécédents de maladies mentales, troubles maniaco-dépressifs ou troubles bipolaires.
Il n’est pas nécessaire que tous ces signes soient réunis ou perceptibles pour consulter ou demander de l’aide à un professionnel de santé.
L’évidence des caractères dépressifs de ce type de difficulté maternelle ne devrait pas conduire son « soin » à la relégation psychiatrique systématique, encore moins à la sismothérapie (traitement par électrochocs) comme on peut le trouver sur certains sites d’informations médicales.
Cet évènement est « juste » une déstructuration provisoire et le délire se présente comme une tentative de survie, une issue de secours face à un évènement qui déborde le psychisme de la mère. Mais c’est un épisode qui a le visage et la tonalité de la psychose, pas la structure (sauf antécédent psychiatrique, bien sûr). C’est un accouchement de mots hors cadre, hors codage.
Michèle Benhaim, dans son livre La folie des mères, juge le terme comme en partie inexact et impropre :
« En effet si les troubles psychiques constatés ressemblent à ceux mis en place par des gens psychotiques, cette psychose peut toucher des femmes qui n’ont jamais présenté de problèmes psychiatriques auparavant. La folie maternelle éclate donc comme “un coup de tonnerre” chez des femmes n’ayant présenté aucun signe alarmant pendant leur grossesse, même si avec le recul de l’analyse, une certaine fragilité psychique pouvait se deviner. »
Pour l’autrice, même s’il y a délire et déni de leur maternité, le fait que ces femmes souffrent de leur état, qu’elles se sentent comme persécutées par leur enfant, tend à prouver que l’on se trouve en présence de « quelque chose » qui s’arrange pour revêtir l’apparence d’une psychose. Elle écrit d’ailleurs que « le délire rencontré dans les psychoses puerpérales me semble n’être, en somme, que l’exagération des propos que peut tenir n’importe quelle mère. »