Je me souviens, c'était il y a maintenant 3 ans. Cela faisait un mois que j'étais devenue maman pour la première fois, d'une petite O.
Je me suis réveillée un matin et j'ai dit à mon mari « Ce n'est pas normal ce qui m'arrive ». Depuis dix jours je me sens très déprimée, au fond du trou, avec parfois un jour d'euphorie et d'excitation.
Cela fait tellement longtemps (5 ans) que nous le désirions et l'attendions cet enfant. Quel bonheur, alors pourquoi est-ce que je me sens si triste, comme dégoûtée de la vie ?
Je n'ai plus envie de rien, je n'arrive plus à dormir, je suis trop tendue, je suis épuisée. C'est l'été et j'ai froid, j'ai des moments de très forte angoisse. Moi qui pleure facilement, là je suis tellement mal que je n'arrive plus à pleurer. Je n'ai pas faim et je dois me forcer à manger. Mon mari me demande : « As-tu faim ? ». Je lui réponds « Si O. s'endort oui, sinon non». O. crie et pleure toute la journée.
Je lis qu'un nourrisson dort environ 18 h par jour; la mienne dort un peu la nuit mais au plus 1 ou 2 heures la journée, et le reste ce sont des pleurs. Cela est devenu mon obsession : qu'elle s'arrête de pleurer et dorme.
Ou plutôt c'est moi qui échoue à la calmer : dans mes bras, elle ne se calme pas. Quand je l'allaite, j'ai comme une pile électrique dans les bras et après un bébé qui pleure… comment je peux savoir ensuite quand elle a faim ??
J'ai l'impression que je ne l'aime pas, j'ai honte, c'est terrible : comment peut-on ne pas aimer son bébé ? C'est si beau la maternité... Je croyais que le sentiment maternel était livré avec le bébé. Je suis d'une famille du côté maternel où « on aime les enfants » ; ma grand-mère en a eu 8 et a toujours dit qu'elle en aurait bien eu un autre, et j'ai souvent entendu ma mère parler si positivement de la période où mes frères et sœur et moi-même étions « petits ».
Je crois que tout a commencé à la maternité une nuit à 4h du matin. O. ne dormait toujours pas malgré mes « efforts », je sonne, les aides puéricultrices viennent et me disent tout de suite qu'elles emmènent O. en nurserie; je n'ai pas le temps de dire ouf elle est partie... je fonds en larmes : je suis une mauvaise mère, elle n'a que trois jours et je l'ai abandonnée, je n'ai même pas eu le temps de lui expliquer.
J'ai l'impression que n'importe qui pourrait me remplacer et en plus faire mieux…Finalement, ce que je préfère, c'est lui changer sa couche ; au moins je sais faire, je sers à quelque chose et là elle ne pleure pas… Pourtant je fais tout ce que je peux, je lis des livres, demande des conseils, multiplie les rendez-vous (association pour l'allaitement, sage-femme, ostéopathes, pédiatre, puéricultrice…) ; mais ils sont contradictoires et ça ne m'aide pas.
Je vais finalement le trouver en allant à une consultation pour l'allaitement : on me demande si O. va bien, je dis oui, mais pas sa maman. Et là, sur les 2 femmes présentes, l'une sourit et l'autre me prend très au sérieux : elle contacte la psychologue de la maternité et m'obtient un rendez-vous pour le lendemain. Nous y allons avec O. et mon mari. Je trouve quelqu'un qui écoute mon mal être et qui me dit que je ne suis pas la seule dans ce cas, elle va m'accompagner - ou plutôt nous accompagner avec O. - pendant un an.
En parallèle, mon médecin me prescrit un traitement antidépresseur. J'étais très réticente, ça a été un pas difficile pour moi ; mais les angoisses étaient trop insupportables et je voulais être mieux pour ma fille.
Il me faudra 18 mois :
18 mois avec des hauts et des bas,
Aujourd'hui je suis maman d'une deuxième petite fille : L. (mais c'est une autre histoire…). Je continue à voir toutes les semaines une psychologue/psychanalyste. Oui, devenir mère a déclenché à chaque fois en moi une tempête, mais j'ai pris conscience de fragilités qui étaient déjà là avant la naissance de mes filles, et décidé d'entamer à long terme un travail sur moi-même.