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De la difficulté d'être mère d'une petite fille…



La dépression du post-partum est très vite arrivée

Quelques semaines après la naissance de ma fille, j'ai fait une DPP qui a commencé de façon assez insidieuse, par des signes avant coureurs dont certains sont bien décrits sur ce site.

Nous désirions énormément cet enfant, et quelle ne fut pas notre joie d'apprendre que c'était une fille, après un beau garçon, à l'écho du deuxième trimestre !

Pendant ma grossesse, par contre, j'avais très souvent peur : qu'elle soit malformée, de ne pas l'aimer, de ne pas la supporter dans mon ventre, de faire une crise de panique pendant l'accouchement.

Il faut dire que j'étais suivie en psychothérapie psychanalytique depuis 3 ans. J'avais déjà fait une grosse déprime débutée le 11 septembre 2001 (et ce n'était pas une coïncidence car les attentats ont joué le rôle de catalyseur à mon mal être), lorsque mon fils avait un an. J'ai été bien soignée par des médicaments et surtout par un bon suivi par ma psychiatre.

Un chantier d'introspection en cours

Beaucoup de choses se sont débloquées lors de cette thérapie, mais cette grossesse et la naissance de ma fille ont révélé d’autres blocages visiblement très enfouis.

Heureusement, nous avons fait un accompagnement en haptonomie avec une très bonne psychologue.

Cela m'a beaucoup apaisée pendant la grossesse et m'a particulièrement aidée pendant l'accouchement. Le papa m'a efficacement épaulée pendant une très grosse partie du travail. Avec une péridurale bien dosée, l'accouchement a été un moment magique, où j'ai senti le passage de mon bébé et où j'ai pu voir sa tête sortir de mon corps (je voulais tout voir, contrairement au premier accouchement !). Mon gynécologue était là. Il tenait le papa par les épaules et lui a dit : "Vu qu'elle se débrouille très bien toute seule, on va la laisser faire". Effectivement, en quelques poussées, la bellotte était là. Elle était très belle. J'étais extrêmement fière …

L'allaitement ne fut pas aisé

Puis, les débuts de l'allaitement furent très difficiles. L. n'arrivait pas à téter et je commençais à m'énerver. J'ai eu très peur qu'elle meure car elle ne tétait pas. L'équipe médicale me culpabilisait, ne m'aida qu'après mes demandes réitérées d'avoir un tire-lait.

J'ai demandé à voir la psychologue de la clinique.

Elle m'a écoutée, mais elle me semblait très jeune et inexpérimentée. J'avais l'obsession d'allaiter ma fille. Cela avait été une expérience si riche avec mon fils, un tel bonheur, jusqu'à ses six mois et demi. Je crois que cela a été le début d'un sentiment d'échec, d'une impression de plus en plus forte d'être une mauvais mère pour ma fille, trop angoissée, etc.

L'aide de la PMI

Une sage femme de PMI spécialisée dans les problèmes d'allaitement m'a beaucoup aidée et encouragée à tirer mon lait, à prendre du motilium pour aider la production de lait (et oui, étonnant, non ? car c'est un anti-vomitif, comme vous le savez). Elle m'a vue décomposée, éreintée, désorientée. Elle m'a suggéré de donner le lait au biberon et non plus à la pipette comme on le faisait avec mon mari toutes les trois heures ! Elle m'a dit de tirer mon lait toutes les quatre heures et de le donner à L. au biberon, et de la mettre au sein aussi souvent que possible.

Au bout d'une semaine, d'épuisement et d'acharnement, le miracle s'est produit.

L. a pris mon sein. Je suis retournée à la PMI, triomphante !

Malgré un allaitement enfin en place, le mal être

Mais un malaise est apparu, de plus en plus profond chaque jour. Je me sentais seule, démunie face à mon bébé. Elle me faisait peur tant elle me ressemblait !

J'ai commencé à avoir des problèmes de sommeil, des crises d'angoisse, et surtout, le pire : des phobies d'impulsion.

J’étais envahie par la peur de lui faire mal, voire de la tuer …

Je voyais des grands couteaux la transpercer. Je savais pertinemment que les couteaux n'étaient pas réels, mais je me les imaginais, menaçants. C'était horrible !

Quelle culpabilité j'ai pu avoir d'éprouver de tels sentiments !

Internet et la recherche de témoignages

Dans les moments de répit, je consultais internet pour voir si d'autres personnes avaient ce genre de trouble. J'ai tout de suite vu que les spécialistes qualifiaient ce que je vivais de «dépression post-partum ». J'en ai parlé à ma psychiatre. Elle n'a pas utilisé ce terme mais elle m'a encouragée. J'ai appelé Betty Blue, que j'ai connue sur le forum de Doctissimo. On s'est écrit quelques mails pendant cette période. D'ailleurs, Betty Blue, je te remercie pour ton soutien et je te félicite pour ton action !

Puis, ça été la descente vers le trou noir : plus moyen ni de dormir, ni de se concentrer sur quoi que ce soit, des crises d'angoisse en pagaille, des envies suicidaires, l'impression d'être une autre, que ma mère parlait à l'intérieur de moi-même à ma place. L'allaitement était de plus en plus difficile.

Mon entourage a pris conscience de l'aggravation de mon état.

En premier, mon mari faisait ce qu'il pouvait pour m'aider, me seconder, me rassurer au mieux. Ma psychiatre m'aidait aussi, mais les séances ne se passaient pas toujours très bien : un jour, je l'ai même prise pour ma mère. Ce n’était pas une hallucination mais presque ! J'en étais abasourdie.

Besoin d'une aide plus étayante

La psychologue qui nous avait fait l'haptonomie m'a alors parlé d'une unité qui accueillait les mamans en difficulté et leurs enfants à Saint-Denis, située à côté du CMP et dépendant de l'hôpital de Saint-Denis. J'ai tout de suite voulu y aller car je ne supportais pas le face à face avec ma fille.

J'avais besoin d'une aide très proche dans la journée.

L'équipe a été extraordinaire et je ne les remercierai jamais assez. Il y avait des psychologues, des éducatrices de jeunes enfants, une puéricultrice, une psychomotricienne, des auxiliaires de puériculture. Elles ont été formidables : très maternelles et rassurantes. Mon mari y est même venu faire de la musique. On y a amené le grand frère à deux reprises pour des fêtes. Au début, cela n'allait pas de soi. J'avais peur de tout le monde, surtout des autres mamans car le public était très hétérogène. J'étais persuadée que ma fille était autiste, c'était une obsession. Je me sentais tout le temps observée dans mes gestes de mère, voire jugée, mais progressivement, l'équipe m'a rassurée, entourée. Je voyais un psychiatre sur place une fois par semaine pendant vingt minutes.

Je me suis surtout rapprochée d'une autre maman qui avait une petite de deux ans et était enceinte. On s'est même revues une fois après. Au début, mon mari m'y accompagnait tous les jours, puis, j'ai pu y aller en tram, deux à trois fois par semaine.

Une médication fut nécessaire

J'ai fréquenté ce centre trois mois environ, d'abord trois après-midis par semaine, puis deux, puis un.

Entre temps, comme je ne tenais plus, j'avais demandé à ma psychiatre des médicaments. Je les avais chez moi, mais j'avais très peur de les prendre ; et puis il y avait l'allaitement auquel je tenais tant ! J'ai tenu deux mois et demi d'allaitement en sevrant tout doucement L.

Je me demande encore comment j'ai tenu aussi longtemps !

Je ne me résolvais pas à la sevrer. J'étais dans un dilemme terrible : l'allaiter pour lui faire du bien mais au prix de souffrances, ou me soigner. A mon avis, si j'ai tenu aussi longtemps, c'est parce que j'étais très entourée et que j'avais d'autres soins : l'amour de ma famille, le soutien psy, le maternage de l'unité mère enfant. Et puis, j'ai enfin pris le traitement (anti dépresseurs et anxiolytiques). Au bout d'à peine une semaine, ça été tout de suite beaucoup mieux ! Les crises d'angoisse se sont nettement atténuées, le sommeil est revenu et l'énergie aussi.

J'ai pu alors découvrir petit à petit L. : mon bébé si joli, qui m'avait suivie partout, ma petite compagne d'infortune. Elle était mignonne et j'étais fière d'elle.

Continuer de travailler sur soi

Parallèlement, la thérapie avec ma psychiatre me permettait de mettre des mots sur mes maux, de trouver des explications à ce tremblement de mère, d’en rechercher des causes du côté de ma relation avec ma propre mère, en particulier dans ma petite enfance.

Ce travail de thérapie est extrêmement important pour se reconstruire, construire sa relation avec son enfant et trouver du sens à ce que l'on vit.

Car les médicaments ne sont que des béquilles et permettent d'apaiser le plus gros des symptômes mais ne sont certainement pas suffisants pour guérir.

Je me sentais encore assez fragile mais au bout de trois mois d'arrêt maladie, suite au congé de maternité, j'ai repris le travail. J'en avais besoin en même temps, pour me dire que j'avais tourné une page, que la vie reprenait. L. avait pris le chemin de la crèche. Elle avait six mois et demi et elle avait du mal à se séparer de moi. Mais elle s'est quand même assez vite adaptée.

Aujourd'hui...

Je consulte toujours ma psychiatre, car c'est un soutien qui m'apporte beaucoup et dont j'ai encore besoin. Je continue à prendre des médicaments, mais j'en ai besoin pour d'autres raisons : travail stressant et fond anxieux. Un jour, j'arriverai à m'en passer.

Ma L. est une belle petite fille qui va souffler ses quatre bougies bientôt avec ses copains et copines d'école.

Elle s'entend assez avec son grand frère pour se chamailler et faire tout un tas de bêtises avec lui. Elle a quand même une difficulté à la séparation, surtout le matin pour aller à l'école : elle pleure chaque fois, mais d'après les maîtresses, tout rentre dans l'ordre au bout de cinq minutes, et ensuite, dans la journée c'est une petite fille très gaie et très vive.

Prendre soin de soi

J'insiste auprès de vous, qui souffrez sans doute aujourd'hui et qui me lirez peut-être, sur le fait qu'il est important de prendre soin de soi. Accepter que l'on souffre est déjà un pas, se confier à qui on peut en est un autre tout aussi important. Et ensuite, n'attendez pas, prenez au plus vite l'attache d'un médecin compétent, si possible un psychiatre, ou d’un psychologue. Si ce soutien est insuffisant, vous pouvez contacter l'unité parents-bébé de jour de Saint-Cyr (ancienne Maternologie), une unité de maternologie, ou une unité mère enfant : ce sont des structures formidables et très adaptées. Ne culpabilisez pas si vous avez besoin de médicaments pendant un temps. Si vous ne voulez pas les prendre pour allaiter par exemple, ne vous forcez pas.

Vous seule êtes juge de ce qu'il y a de mieux pour votre enfant et vous.

Retrouvez confiance en vous faisant aider et vous sortirez du tunnel.

La vie prendra un sens nouveau. Vous aurez affronté une épreuve plus que difficile et comme chacun sait, lorsqu'on sait les traverser, les épreuves vous renforcent. Le lien avec votre enfant n'en sera que plus intime, profond, voire complice. Après tout, vous avez traversé l'épreuve ensemble, n'est-ce-pas ?

Alors, COURAGE ET ESPOIR A TOUTES LES MAMANS ET A TOUS LES PAPAS !

Epilogue

Aujourd'hui (2015), je me considère comme guérie, bien que je sois toujours sous anti-dépresseurs et suivie par une psychiatre, mais seulement une fois par mois. Ce suivi est rendu nécessaire par un fond anxieux et par une phobie qui s'est superposée, mais je pense sincèrement que j'ai pu régler, à travers ma thérapie, l'essentiel de mes problèmes de difficulté maternelle.

Ma fille est une petite jeune fille de dix ans, très épanouie et très autonome.

Elle est aussi féminine que j'étais "garçon manqué", a plein d'amies, et fait des activités sportives et artistiques : flûte et danse. Nous avons une relation très proche et complice, sans être toutefois fusionnelle comme j'ai pu l'être avec ma mère. Elle n'a plus de problème de séparation (qui ont duré quand même jusqu'au CE1).




Zaze

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