Je m'appelle Claudia, j'ai 29 ans. Je suis devenue maman le 23 septembre 2019 d'une petite fille, Anabelle.
J’ai passé une très belle grossesse et j’ai vécu un accouchement de rêve, sans douleurs, sans problèmes.
Anabelle est née à 4h47 du matin.
On nous dit que la rencontre avec le bébé est la meilleure sensation au monde, que l'on ressent une vague d'amour envers son bébé dès le premier regard. J’avais imaginée ce moment pendant la grossesse. Hélas, pour moi, ça ne s'est pas passé ainsi.
Je garde un souvenir très flou et confus de tout mon accouchement.
Je n'ai aucune idée du temps qu’a duré la poussée. Lorsque l'on a posé ma fille sur mon ventre reste un moment vague, comme si mon cerveau était dans le brouillard.
Je n'ai pas ressenti d'émotion, positive ou négative. Je me demandais si c'était un rêve ou la réalité.
Je n'ai pas non plus ressenti de vague d'amour comme le mentionne si souvent les émissions de télé.
Le maïeuticien, l'auxiliaire de puériculture ainsi que mon compagnon sont allés faire les examens du bébé dans la pièce d’à côté.
Je suis restée seule sur la table d'accouchement en attendant leur retour, toujours le cerveau dans le brouillard, à me demander si ce qui venait de m'arriver était réel.
A leur retour, ils m'ont mis ma fille dans les bras, au sein. Elle allait bien : un bébé en bonne santé de 52 cm et 3,598 kg.
Nous sommes restés 2 heures dans la salle de travail. Je n'en garde encore une fois qu'un souvenir très confus.
On nous a accompagnés dans notre chambre. Une chambre seule.
Nos parents sont arrivés, puis, plus tard, quelques membres de la famille. C'était très éprouvant car nous n'avions pas dormi de la nuit étant donné que notre bébé est né la nuit. La mise en place de l'allaitement a été perturbée par les va-et-vient incessants des visites. La fatigue était bien présente, bref, pas vraiment de répit pour la première journée de vie de notre bébé et notre première journée en tant que parents.
Le soir venu, mon compagnon, Tristan, est reparti chez nous afin de préparer la maison pour notre retour et récupérer quelques affaires.
Je suis donc restée seule avec notre bébé la première nuit.
Aucune personne de la maternité n'est venue me voir afin de s'assurer que tout allait bien.
J'étais livrée à moi-même, dans ce nouveau rôle, celui de maman, aussi beau qu'effrayant, avec ce bébé que je ne connaissais pas et que j'apprenais tout juste à connaître, tant bien que mal au rythme des cycles de sommeil et d'éveil.
Désormais, je devais organiser ma vie en fonction de ce petit être.
La nuit, chaque réveil me faisait pleurer de fatigue, puis de regrets d'avoir eu un enfant, avec qui j'avais du mal à tisser un lien, du mal à me rendre compte qu’il était le mien, mais aussi, du mal à croire que j'avais fait un si beau bébé.
La deuxième nuit, Tristan est resté avec moi, puis la suivante jusqu'au retour à domicile. Ce fut un soulagement. Après 3 jours passés à la maternité, nous sommes rentrés chez nous.
Cela m'angoissait car nous étions seuls avec notre bébé et personne pour nous épauler, personne à qui poser nos questions.
La vague d'amour n'était toujours pas là. Je m'inquiétais car je n’avais que des pensées négatives dans la tête. Pourtant, ce bébé était désiré. Mais pourquoi n’étais-je pas comme les autres mères pour qui cela semble si naturel de s'occuper de leur bébé ?
Les mois ont continué de filer et les symptômes dépressifs à s’accumuler. Je ne connaissais pas le terme de «dépression du post-partum». J'ignorais l’origine de ma souffrance. J'ignorais tout de ce type de dépression.
J'avais changé, je ne me reconnaissais plus, moi qui suis d'un naturel si patiente et si calme...
J'avais constamment le sentiment de ne pas aimer mon bébé. Et une énorme culpabilité qui m'envahissait chaque minute.
J'étais dans le noir, je ne trouvais pas l'interrupteur pour allumer la lumière. Elle était si loin d’ailleurs cette lumière. Je ne trouvais pas l'issue, je m'enfonçais chaque jour plus loin, la lumière s'éloignait de plus en plus. J'avais l'impression d'avoir un boulet enchaîné à ma cheville que je traînais avec difficulté.
J'étais triste sans savoir pourquoi, je pleurais sans savoir pourquoi.
Le plus difficile était de rester seule à la maison avec Anabelle pendant que Tristan allait travailler. Les journées n'en finissaient pas. Chaque soir, j'attendais son retour avec impatience afin qu'il prenne le relais.
Je souhaitais aussi ardemment me réveiller de ce cauchemar.
Je ne supportais plus les pleurs. Certaines fois, cela m'arrivait de crier et de pleurer en même temps que mon bébé lorsque je ne le comprenais pas.
Mon cerveau était constamment en ébullition. Sont venues alors des «phobies d'impulsion». Ces pensées s’apparentaient à des idées noires de scénarios de mort mais jamais on ne passe pas à l'action.
Je me souviens, lors de chaque trajet en voiture, m'imaginer foncer dans un arbre à toute vitesse pour que l'on meurt toutes les deux. Je me disais que si je mourrais, je ne souffrirai plus. Mais si la petite survivait, elle n'aurait plus de mère alors L'idée ne me plaisait pas.
La culpabilité, tellement grande que les mots me manquent pour la décrire, faisait partie de mon quotidien. Mais je n'arrivais pas à contrôler mon comportement vis-à-vis de ma fille.
Parfois je hurlais sur elle lorsqu'elle pleurait, la suppliant de se taire, lui disant que je regrettais ma vie d'avant, qu'elle avait ruiné mon existence et qu'à cause d'elle j’étais au plus mal. Je pensais que c'était une erreur d'avoir eu un enfant. Parfois, lorsque ma rage était trop forte, je la posais dans son lit et j’allais dans le jardin hurler et crier, tout en la laissant en sécurité dans son lit. Elle pleurait sans doute par peur de mes cris.
L’idée de la confier aux services sociaux m’a effleuré l’esprit par moments car c’en était trop pour moi.
Je pensais également parfois au suicide. Mais je revenais à la raison, mon bébé avait besoin de moi. Rien qu’en l'imaginant vivre sans mère, la peine m'envahissait de nouveau. J'avais pitié d'elle, me disant qu'elle ne méritait pas d'avoir une mère telle que moi, avec aussi peu de patience et incapable d'être une mère digne de ce nom. Je me détestais. Je détestais la personne incontrôlable que j'étais devenue malgré moi. Je me détestais toute entière, tout le temps.
Le mois de juin 2021 est arrivé.
Après des heures de recherche, en tapant mes symptômes sur internet, en découvrant des pages Instagram sur des mères vivant la même chose que moi, j'ai enfin pu poser un mot sur mon problème : «la dépression du post-partum». Je me suis reconnue dans ces femmes qui la vivaient.
J’étais juste malade et il existait des solutions pour s'en sortir, sans mourir.
La lumière est revenue peu à peu. J'avais de l'espoir. Cependant, j’ai mis beaucoup de temps à sauter le pas pour consulter une psychologue. J'avais peur de parler de mon problème par peur du jugement, par peur que l'on ne me comprenne pas et qu'on me laisse dans la nature seule avec cette douleur.
J’ai fini par trouver une psychologue spécialisée dans la maternité/parentalité. Auprès d’elle, j’ai pu vider mon sac. Elle se montrait attentive à mes paroles. Je me sentais en confiance. Lors de la première séance, elle a évoqué une dépression sévère du post-partum et m’a conseillé de m’orienter vers un psychiatre afin d'avoir une aide médicamenteuse.
Je me suis de nouveau mise en quête. La psychiatre consultée m’a prescrit un anti-dépresseur pendant un mois. Mon moral s’est amélioré, sûrement parce-que nous étions en vacances, mais au bout d’un mois, cela restait encore très fragile. La doctoresse a donc modifié l’anti-dépresseur et ajouté un anxiolytique et un somnifère si-besoin.
Le changement fut flagrant. Je me suis sentie mieux. J’étais capable de m'occuper de ma fille, je prenais plaisir à m'en occuper. Ce n’était pas encore évident, mais bien plus satisfaisant.
En Novembre, j’ai rechuté malgré la bonne conduite de mon traitement. Je passais mes journées de repos au lit, nuit et jour, avec des idées noires, cherchant des solutions pour arrêter mon calvaire. J’ai pris rendez-vous en urgence avec la psychiatre qui m’a proposée une hospitalisation que j’ai acceptée.
J’ai été hospitalisée durant deux mois en Clinique.
Lors de l'hospitalisation, j’étais suivie par un psychiatre tous les jours ainsi qu’une psychologue du service. Un diagnostic d’un trouble bipolaire de type 2 est tombé, conséquence de la dépression du post partum dans mon cas.
Lors du premier mois, je n’ai pas vu ma fille. Elle me manquait peu. Le deuxième mois, j’ai demandé des permissions pour sortir à la journée afin de passer du temps avec elle et voir s'il y avait de l'amélioration.
Petit à petit, le lien s’est fait. J’allais mieux. A ma sortie, j’étais enfin libérée de ce boulet que je traînais derrière moi. Je percevais la lumière au bout du tunnel.
Les mois sont passés et la dépression a disparu. Je prenais peu à peu goût à mon rôle de maman. Je suis sortie de la Clinique avec un traitement adapté.
Restait encore le trouble bipolaire à gérer entre les phases d'hypomanie et les phases dépressives. Mais ce n’était rien comparé à la dépression dont je sortais.
Aujourd'hui je vais bien, mon trouble bipolaire est stabilisé grâce à ma nouvelle psychiatre. J'aime ma fille, j'aime passer du temps avec cette merveilleuse personne qu'elle est.
Chaque jour, elle me surprend, m'émerveille de part ses progrès, son évolution et je prends plaisir à l'admirer.
Je ne pensais pas me sortir un jour de cette dépression tant elle était sévère et incontrôlable. Mais à force de s'accrocher, de se soigner, on peut en sortir. Il suffit de demander de l'aide. La démarche est extrêmement difficile mais elle en vaut la peine.