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Et si la pression n'était pas si forte



Le XXI ème siècle, le siècle où l’on parle énormément de l’égalité homme / femme, où le féminisme est à son apogée, le droit à l’allaitement est en plein essor … Tellement de choses sont en évolution mais trop de sujets restent encore tabous de nos jours.

La maternité est présentée aux jeunes filles dès leur plus jeune âge comme quelque chose de naturel, un instinct maternel qui sera présent quoiqu’il se passe, un épanouissement dans la vie indescriptible.

On ne parle jamais des problèmes éventuels qu’il peut en résulter. La dépression post partum était une maladie que je ne connaissais pas avant d’être touchée par celle-ci. Trop peu de choses sont dites, elles restent taboues, et le peu de femmes qui osent en parler sont jugées, réprimandées… Est-ce cela la vision d’aujourd’hui ? 

Se sentir différente

Depuis mon plus jeune âge, je me suis toujours sentie différente. Je ne m’intéressais pas aux poupées, je n’aimais pas spécialement jouer avec les gens de mon âge. Je préférais m’amuser toute seule. Un peu d’imagination, quelques puzzles et c’était parti. Dès l’école primaire, de nombreuses filles parlaient déjà de leur prince charmant, du nombre d’enfants qu’elles auraient…. Tous ces sujets me dépassaient.

Je ne me suis jamais imaginée avec des enfants.

J’avais plutôt en tête une maison, entourée de chiens (sûrement des chiens vu que je suis allergique aux chats). Résultat, j’ai un serpent comme animal de compagnie et maman d’un petit garçon… Il y a eu un loupé quelque part !

La pression de l’entourage

Lorsqu’on est une fille, en grandissant, c’est un sujet qui revient continuellement. On est destinée à être maman, c’est notre rôle, c’est à cela que l’on sert. Sans le vouloir, nos proches, famille et amis nous en parlent régulièrement et nous font nous sentir différentes lorsqu’on ne pense pas comme eux. Ne pas voir le fait d’avoir des enfants comme un épanouissement dans la vie est impossible selon certaines personnes.

Du côté de la famille, lorsque vous êtes la première de tous les petits enfants, une pression s’installe progressivement sur vos épaules.

Lors des repas de famille, on vous lance quelques tacles. Depuis mes vingt ans, je dirais, je subissais très souvent des remarques du type « on n’a plus de bébés dans la famille, ça devient triste, mais ne te mets pas la pression surtout » ou encore « c’est bien de profiter mais il faudrait que tu te poses un peu, tu ne penses pas ? Les enfants, c’est mieux avant trente ans ! »… J’étais très évasive sur mon désir d’enfant.

Au fond, je n’en souhaitais pas vraiment, mais je sentais qu’autour de moi, ma famille voulait que j’en ai.

Cela leur ferait plaisir et de fait, j’en serais heureuse également. Une fois, j’ai dit que je ne voulais pas d’enfants. En réponse, on a évoqué le regret que j’éprouverais tôt ou tard de ne pas en avoir. Ce fut choquant pour moi. 

Un jour, on m’a même dit que cela viendrait, que j’aurais le déclic, comme toutes les femmes ! Je les ai crus. J’ai fini par me convaincre qu’il fallait en effet que je vive cette expérience sinon je le regretterai… On ne m’avait pas prévenue qu’au contraire, on pouvait regretter d’avoir fait un enfant !

Se plier à la norme

A l’approche de la trentaine, la question bébé se bousculait dans la têtes de mes amie. Elles voulaient toutes s’y mettre en même temps.

Tout le monde parlait soit bébé, soit mariage. En couple depuis 3 ans déjà, mon conjoint m’avait prévenue qu’il souhaitait une famille.

Étant l’homme de ma vie et ne voulant pas m’en séparer, je savais que j’allais devoir m’y plier. Une de mes amies a fini par tomber enceinte. En parlant avec elle, je lui ai dit que, de notre côté, je ne savais pas quand nous allions mettre en route ce projet. J’attendais toujours le fameux déclic. Elle m’a répondu : « Tu ne l’as toujours pas ? Mais qu’attends tu au juste ? » J’ai trouvé sa réponse violente. Elle faisait partie de ces femmes qui, depuis leur plus jeune âge, souhaitent se marier et avoir beaucoup d’enfants. Le fait que je ne sois pas sûre d’en vouloir et tant indécise était quelque chose d’incompréhensible pour elle. Les avis diffèrent. Je peux comprendre ce besoin viscéral de certaines femmes de vouloir être mère à tout prix. Mais pourquoi, à l’inverse, ces personnes ne comprennent pas que l’on n’en veuille pas et nous font passer pour des personnes anormales, différentes.

Les hormones de mon copain commençaient de plus en plus à le titiller, J’ai fini par choisir une année propice pour me lancer.  On a planifié la date d’arrêt de ma pilule en fonction de notre stabilité. En effet, nous étions propriétaires, tous les deux en CDI, ensemble depuis plus de trois ans et persuadés lui et moi que nous étions faits pour être ensemble.

Tous les critères étaient réunis pour passer le cap.

J’ai donc arrêté la pilule et suis tombée enceinte deux semaines après ! On dit que, plus on souhaite tomber enceinte, plus on y pense, moins on y arrive. Je ne voulais pas spécialement tomber enceinte, mais mon corps en a décidé autrement ! Ce fut une bonne et une mauvaise chose.

Une grossesse plutôt agréable

J’ai bien aimé être enceinte. C’est agréable d’avoir de l’attention. On se sent comme le centre du monde pendant cette période de gestation.

Lorsque mon test urinaire a affiché un résultat positif, j’ai eu un petit pincement au cœur.

Je ne sais pas si c’était du bonheur ou plutôt un « eeeeeh merde ! ». Je ne le saurais jamais, je pense. A la première échographie, même ressenti, un petit sursaut lorsque j’ai entendu le cœur. C’était en plus une année particulière puisque j’ai vécu beaucoup de mes échographies et rendez-vous chez le médecin sans mon conjoint faute de confinement. Vive l’année 2020 ! J’avais choisi l’année en fonction de notre statut mais je n’avais pas vu venir ce délire de pandémie. C’était particulier, mais du coup, on faisait sans arrêt attention à ce que je faisais afin de minimiser ce risque. Cependant, cette attention ne me dérangeait pas, au contraire.

Je n’ai pas beaucoup travaillé pendant ma grossesse, je n’ai pas fait grand-chose au final.

Je n’en avais pas envie et de toutes les manières, même si je le voulais, je ne le pouvais faute de confinement encore une fois ! Nous en avons profité pour préparer tranquillement la chambre du bébé, faire la liste de naissance et même une superbe baby shower. Franchement le pied !

Son arrivée …

Puis le petit bout est arrivé. Et là nada… J’ai tout de même pleuré lorsqu’il est né et qu’il a été posé sur mon ventre. Mais c’étaient surtout les hormones et la fatigue. L’accouchement a été long, vingt-huit heures, sous antibiotiques pour cause de fuite du liquide amniotique dès le début, une épisiotomie car le cordon autour du cou du bébé, le cœur de celui-ci qui commençait à ralentir…

Bref, l’accouchement s’est globalement bien passé, mais c’était loin d’être l’accouchement idéal.

Les premières nuits à la maternité ont été une horreur. Le petit pleurait tout le temps (je supposais que je n’avais pas assez de lait). Et si ce n’était pas lui, les aides-soignantes réussissaient à me tenir éveillée en rentrant dans ma chambre comme si c’était la journée, c’est-à-dire en faisant un boucan infernal ! Plusieurs fois, elles ont fait sursauté mon bébé alors que je venais à peine de l’endormir et que je fermais tout juste les yeux. J’ai rarement eu autant envie de meurtre ! J’ai pleuré les trois jours passés à la maternité, et même si quelques sages-femmes étaient adorables, le côté humain restait totalement absent…

Retour à la maison

Le retour à la maison a été fatiguant. Je n’avais pas vraiment dormi à la maternité. Mon conjoint a pris la première nuit parce que j’étais tout bonnement un zombie. Il est resté une semaine avec moi puis a sonné la reprise du boulot. 

À part m’occuper du petit, je ne faisais plus rien.

Je ne pensais même pas à manger. Je n’avais pas faim de toute manière, futilité. Je changeais la couche de mon fils, le nourrissais, le sortais de temps en temps, lui criais dessus parfois et pleurais d’autres fois. Je ne me rendais pas compte que plus ça allait, plus je sombrais. Je ne supportais pas ses pleurs, il me gavait littéralement.

Parfois, je voulais le secouer pour qu’il se taise. C’est horrible, je le sais. Je ne l’ai jamais fait, je sais trop ce qu’est le syndrome du bébé secoué ayant eu un cas dans ma famille… À chaque fois que je le prenais un peu trop brutalement, je le surveillais pendant des heures en cas d’effets secondaires. A côté, j’étais aussi une mère normale. Je paniquais dès qu’il avait 37,7°C de température ! Je suis allée voir le médecin trois fois parce qu’il avait les pieds dans un sale état et faisait des ongles incarnés. J’ai passé des heures à masser ses doigts de pieds pour que l’ongle passe enfin au-dessus de sa peau…. Je lui massais le ventre quand il pleurait, chantais des chansons… Aujourd’hui la chanson qui le calme instantanément c’est les petits poissons par exemple. J’essayais de prendre soin de lui mais je ne l’aimais pas. Je pense que je prenais simplement mes responsabilités.

Sombrer jusqu’à ne plus pouvoir

Je me suis renfermée doucement mais sûrement. Je commençais à être aigrie avec mon conjoint, mes amis. Je pleurais en cachette. Jusqu’à ce fameux soir... J’ai commencé à regarder sur internet comment mettre fin à mes jours. Je cherchais quels médicaments prendre pour que ce soit rapide. Je me suis enfermée dans la salle de bain en pleine nuit pour fouiller l’armoire à pharmacie lorsque mon conjoint a forcé la porte. Il m’a obligée à me confier. Je l’ai fait en pleurant.

Je m’étais convaincue que j’étais une mauvaise mère et que mieux valait ne pas avoir de mère qu’une mère comme moi.

Il avait tellement peur de me perdre le pauvre, qu’il a en cachette caché tous les comprimés de l’armoire à pharmacie.

J’ai ensuite  décidé de me reprendre en main. J’ai essayé de consulter une psychologue. Je n’arrivais pas à mettre des mots sur ce que je ressentais, et c’est tellement facile de mentir. A l’époque, j’ai aussi tenté de me confier à des amis. Mais ils ne m’ont pas comprise ni le rejet et le mal être que j’éprouvais. Certaines personnes pensaient que je faisais mon intéressante, que c’était du cinéma. Elles m’ont reproché de pas leur en avoir parler plus tôt. Un manque d’empathie complet !

Du bien fondé de bien s’entourer 

Petite anecdote au passage : J’étais demoiselle d’honneur à un mariage. La mariée venait de faire un changement dans la couleur de la robe et voulait nous imposer une robe rose, couleur que j’ai en horreur. Dans l’état d’esprit où j’étais, me faire acheter et porter du rose me semblait insurmontable. Je ne vivais plus que pour mon enfant, et on m’imposait encore des choses. C’était au-dessus de mes forces, je ne le voulais pas. Je préférais passer mon tour comme demoiselle d’honneur plutôt que de porter une robe rose ridicule. Dans un sens, ce fut égoïste de ma part, je le sais. D’un autre côté, cette robe était un caprice de mariée, et celle-ci sachant ce qui m’arrivait s’est montrée incompréhensive. Ne plus être demoiselle d’honneur à son mariage était un refus de son amitié. Je la rejetais, me montrais égoïste, ne pensais qu’à moi et pas à elle, je gâchais son mariage, etc… Les autres demoiselles d’honneur s’y sont mises aussi, dont l’une était également une de mes confidentes. J’étais dans l’incompréhension totale. En effet, je refusais de lui faire plaisir pour son mariage, mais sachant ce que je leur avais dit, j’attendais un peu de compréhension. Je pensais qu’elles comprendraient que j’étais perdue, dans mes pensées, dans ma vie, dans ce que je voulais et pouvais faire…

J’ai beaucoup pleuré par leur faute, me sentant comme un monstre.

Puis un jour, j’ai décidé de couper les ponts, les trouvant toxiques pour ma santé mentale. Mon conjoint m’a soutenue dans cette décision. 

Je ne comprends pas comment on peut comparer un mariage à mes envies de suicide… Je pense que nous n’avions plus les mêmes priorités.

Remonter la pente

Je me rends compte aujourd’hui que je me suis confiée aux mauvaises personnes. D’autres personnes bienveillantes m’ont ensuite tendu la main, m’ont aidée et soutenue quoique je dise. Elles m’ont intégrée dans leur groupe d’amis en espérant que ça m’aiderait à me sentir bien. Et ça m’a aidée. Petit à petit, je remontais la pente, je pleurais moins souvent. Lorsque ça n’allait pas, j’écrivais. Écrire était plus facile que parler. 

Cet état aura duré neuf mois.

J’ai eu un déclic après avoir parlé à ma cousine, mon ancienne confidente, ma grande sœur et ma meilleure amie. Elle m’a fait me sentir normale, elle m’a réconforté à sa manière, m’a fait comprendre qu’elle serait là si besoin, que je n’étais pas un monstre et que malheureusement ça arrivait et que cela m’était arrivé. 

Mon fils a maintenant onze mois. Je vais beaucoup mieux depuis deux mois, je le sais. Mon conjoint peut enfin respirer et arrêter de stresser. Non je ne me foutrais pas en l’air. Je n’arrive pas à savoir si je suis heureuse mais je sais que cela va mieux. Ça ne change cependant pas le manque d’amour et d’intérêt que j’ai pour la maternité.

Où est le fameux épanouissement maternel ?

Aujourd’hui je n’éprouve pas cet épanouissement dont on m’a tant parlé. Avoir un enfant est difficile, et lorsque l’envie n’est pas vraiment là, on le regrette très facilement.

Être maman n’était pas quelque chose qui manquait à ma vie.

Je m’occupe de mon enfant, je ne le maltraite pas. Il est bien propre et nourri. Mais j’ai toujours l’impression de jouer un rôle. Et je suis loin d’en être contente. C’est une corvée qui n’en finit pas. Je ne comprends pas le concept de dire que ça vaut le coup. Je n’ai pas l’impression d’aimer mon fils. Je ne veux pas qu’il lui arrive du mal mais je n’ai pas cet amour infini dont tant de femmes parlent…. Je l’assume, mais lorsqu’on me demande si je suis heureuse, cela devient de plus en plus difficile de mentir.

Si c’était à refaire… 

Même si le père est pour moi l’homme de ma vie, si j’avais su ce que c’était que d’être maman, je n’aurais pas continuer ma relation avec lui. Lui souhaitait plus que tout une famille, moi pas spécialement. Je souhaitais quelqu’un pour m’accompagner dans ma vie, sans y rajouter un petit être.

Si c’était à refaire, je lui dirais dès le début de notre relation mon impossibilité à me penser mère.

Je l’inviterais à trouver quelqu’un d’autre pour faire sa vie et moi la mienne. Ça aurait été douloureux, mais seulement passager. 

Maintenant je vais me marier, je dirais que c’est la suite logique après un enfant… Je me suis construit petit à petit une prison dorée. Les responsabilités m’enferment et m’empêchent maintenant d’avancer et de vivre ma vie. Ce n’est pas cette vie que j’aurais souhaité, et je ne la souhaite à personne.

Le regret maternel 

Je regrette aujourd’hui d’avoir fait cet enfant, d’avoir écouté mon entourage. J’aurais dû m’écouter moi. Même si ma dépression post partum est terminée (après neuf mois, ce fut long quand même), je ne cesse de me dire que mon fils ne mérite pas ce qu’il va endurer avec moi. Il mérite d’être aimé comme il se doit, par ses deux parents. Je ne pense pas que je serais une bonne mère. Je vais jouer ce rôle de maman pour faire bonne figure, mais je ne sais pas pendant combien de temps encore.

Parfois, l’idée que mon fils serait plus heureux sans moi me passe encore par la tête.

Il mérite de l’honnêteté et il serait plus heureux sans une mère hypocrite à ses côtés. Je jouerais ce rôle de maman jusqu’à ce que je n’en puisse plus. Je sens au plus profond de moi que ça ne durera pas, mais je vais essayer, pour lui… C’est moi qui l’ai amené dans ce monde, je ne l’abandonnerai pas tout de suite. Mais un jour viendra, où je referais ma vie, sans mon fils et mon mari, car celui-ci, malgré l’amour qu’il me porte, ne me pardonnera pas et je le comprends. Il a voulu une famille, je lui ai donnée. On vivra heureux un moment, et un jour je rattraperai toutes ces années que j’aurais perdues….

Se poser les bonnes questions

Lorsqu’on fait un enfant, c’est pour la vie. Si vous n’êtes pas sûr, si vous avez des doutes sur votre souhait d’être parent, écoutez-vous, n’écoutez pas les autres. La seule personne qui sait ce que vous voulez vraiment, c’est vous. Il ne faut pas se sentir coupable de ne pas souhaiter être parent. Ne faites pas comme moi, n’écoutez pas les autres. Ne faites pas d’enfant pour faire plaisir à votre moitié, ça ne mettra pas plus de bonheur dans votre couple, au contraire ! Un enfant est une expérience qu’il faut désirer profondément vivre. Si le désir n’est pas là, il ne viendra pas quand l’enfant sera présent dans votre vie. 

Inconsciemment je sais que mon fils ressentira ce manque d’amour de ma part et que cela le perturbera. Il ne comprendra pas pourquoi je suis ainsi et cela influera sur son désir d’enfant. 

Dans notre société, on ne parle pas de ce problème. C’est clairement un tabou…

Résultat, de plus en plus de femmes regrettent d’avoir fait un enfant. Aujourd’hui nous n’avons plus besoin de procréer pour notre survie. Nous devrions exprimer haut et fort nos différences et assumer notre choix de non désir enfant. 

Ne rendons pas malheureuses les générations actuelles et futures !




Titia

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