J'ai accouché en 2011 d'une petite Maryam que j'ai perdue à la naissance, 3 jours après le terme. Cela a été la plus grande épreuve de ma vie.
2 ans plus tard je tombe enceinte d'Assya, enfant désirée, "programmée", car je sentais que c'était le moment.
Ma grossesse a été très stressante. J'avais toujours peur qu'elle meure, qu'il se passe quelque chose de grave… Comme sa sœur, elle est née par césarienne, mais cette fois programmée pour elle.
Je l'ai juste regardée, fixée, j'ai pleuré mais je ne savais même pas pourquoi… Quand je suis remontée dans sa chambre, je cherchais à me connecter à ce petit être mais sans succès… J'avais l'impression d'être tellement loin d'elle, et vice versa, qu'elle ne me comprenait pas, que je ne la comprenais pas, qu'elle ne m'aimait pas donc que je ne l'aimerais pas. En plus de ça, elle avait tout d'un BABI (bébé aux besoins intenses)
La psy est passée mais n'y a vu que du feu. Pourtant, j'avais bien dit que je ressentais des choses étranges envers ma fille… normal disait-elle...
Je suis rentrée chez moi. L'après-midi même, nous avons dû aller en néonat pour trop faible prise de poids. Puis, quand au bout de deux semaines, nous sommes rentrées, les ennuis ont commencé… Je me sentais tellement mal à l'aise avec elle, en colère : pourquoi était-elle là elle? et pas les deux? comment pouvais-je être aussi novice? car j'étais déjà mère non?
A ses 6 mois, la prendre dans mes bras était tout simplement impossible. Me la laisser 15 minutes, une situation de danger pour moi, car j'avais peur de commettre quelque chose envers elle, même si je n'en ai jamais eu envie. Mais j'avais peur de moi, d'elle… de nous? J'ai eu une période de dérèglement thyroïdien, ce qui n'a pas aidé. Je suis tombée loin dans le mal être, la gêne, le dégoût de soi… J'avais l'impression d'être de trop, elle s'entendait et se sentait si bien avec son père… Avec moi, elle ne faisait que pleurer, je fuyais son regard, elle fuyait le mien.
Parfois, le soir, je ressentais une chose vraiment étrange en rentrant dans la chambre (nous dormions tous dans la même chambre). Je ne sais pas comment vous la décrire : je pensais à elle si fort que c'était violent pour moi, je sentais un malaise énorme, mais en fait j'avais tout simplement besoin d'elle, de m'allonger à ses côtés, de la serrer… mais il y avait cette barrière infranchissable entre elle et moi.
Elle est toujours là, mais moins haute.
J'en ai toujours parlé a ma mère et à mon mari, à mon entourage aussi , et quelques fois à une psy : j'ai dit que j'avais peur de lui faire du mal (j'avais peur des couteaux, encore aujourd'hui un peu… peur de la frapper…), de ne pas l'aimer, de ne pas être capable…
J'ai quelques doutes encore… est-ce que je l'aime? je ne sais pas… mais quand je la regarde, rien n'est plus pareil à présent. Je suis plus à l'aise, je fais des efforts pour m'améliorer, j'essaie de me rapprocher d'elle, et petit à petit elle se rapproche de moi. Elle gagne en confiance, moi aussi. Elle a à présent 16 mois. Nous grandissons ensemble et j'espère pouvoir rattraper cette période.
J'ai dû apprendre à refaire le deuil de Maryam, car quand Assya est née, la mort de sa soeur a jailli à nouveau, et ce sentiment étrange d'avoir été déjà mère alors que concrètement non.
Tout passe petit à petit, il faut être patiente, parler, reconnaître et espérer, car même si l'on a l'impression que le voyage ne terminera pas, il se finira un jour.