A toutes les mamans qui un jour, n’ont pas pu écouter l’histoire de leur enfant.
A tous les enfants qui, désespérément, intensément, ont voulu raconter une histoire à leur maman.
Bien sûr, je suis trop petit pour te le demander maman mais: « Pourquoi tu pleures ? »
Mon tout petit, mon enfant, tu es si beau. Minuscule être fragile, poupée de porcelaine que mes mains pourraient ébrécher.
Je pleure et je ne sais pas pourquoi. Un torrent de larmes envahi ton berceau, ta chambre, la maison entière. Nous nageons toi et moi dans ce bain chaud et salé. Nous sommes suspendus, deux marionnettes sans ficelles.
Tu le vois petit chaton, petite souris, petit amour, mon visage déformé par les larmes. Cet affreux visage grimaçant et violacé, à qui appartient-il ?
Pourquoi tu pleures maman ?
Comment te répondre? Je ne connais pas cette réponse là. Je suis prise au piège. J’ai peur. Toi aussi tu pleures mon ange, tu cries très fort.
Mais attends un peu, je ne comprends plus rien. Tu deviens grand, tu deviens énorme, un géant, un ogre. Tu sortiras de ton berceau. Tu me poursuivras. Terreur. Paralysie.
Je suis si petite, si fragile. Vas-tu me dévorer ?
Maman, écoute moi, maman j’ai tellement besoin de toi, approche-toi, je te raconterai l’odeur de mon corps, les plis de ma peau et le bleu gris et profond de mes yeux.
Chut... je ne veux pas l’entendre ton histoire petit ange, je ne peux pas l’entendre. Les oreilles de mon cœur sont bouchées. J’ai trop mal. Tu me fais mal.
Pars s’il te plaît. Pars là où l’on t’attend. On doit bien t’attendre quelque part. Laisse-moi. Ne m’appelle plus maman.
Hélas maman, comment faire autrement. Personne ne m’attend nulle part. Nous avons tout le temps. Je suis un bon conteur, je connais plein d’histoires.
Alors raconte-moi petit enfant. Il faut que je t’écoute. Il faut que je m’écoute. Raconte-moi ton souffle sucré, raconte- moi les frêles battements de ton coeur.
Et puis rassure-toi, bientôt, très bientôt, cette histoire, je la connaîtrais par coeur.