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Je ne peux plus rejoindre le monde réel



Je n'ai jamais eu de facilité pour écrire et encore moins pour mettre en mots mes maux mais je me lance car je sais que poser les choses, c'est réparateur pour moi et que cela peut donner de l'espoir, peut-être, à d'autres qui se sentent démunies à un moment T ou qui se sentent seules.

Je me surprends à sourire car, en même temps, j'exerce une profession qui permet aux autres d'ouvrir leurs vannes alors que moi, j'ai cette difficulté à m'exprimer…

Je suis MAMAN. Parfois, c'est encore difficile pour moi à assimiler.

Mon fils s'appelle Amaury. Il est né en 2011. Il a donc 3 ans et demi. Pour ma part, je suis âgée de 33 ans.

Je vais essayer de ne pas perdre le fil qui nous relie tous et toutes sur cette page. Cependant, quelques éléments de ma vie me paraissent indispensables pour tenter de vous faire comprendre mes ressentis.

Quelques clefs de compréhension

J'ai perdu ma mère en 2006 des suites d'une longue maladie. A l'époque, j'étais déjà avec le futur papa de notre fils.
Après quelques années, certaine que le deuil de ma mère était chose établie, je me sens prête à être maman à mon tour.
Le vécu de ma grossesse : anxiété, nervosité et un corps qui se transforme ; la balance affiche plus de 40 kg de pris. J'ai toujours été la ronde : celle qui est rigolote, toujours souriante… J'ai atteint plus de 130 kg et je mesure 158 cm… Mon changement physique, je ne le voyais pas… j'ai eu le contre-coup à la naissance de mon fils.

Je pense qu'à la fin de ma grossesse, j'étais déjà loin du monde réel.

Je ne comprenais pas ce qui se passait. Mon obésité morbide rendait le quotidien plus que difficile : pour marcher, pour dormir, faire ma toilette… et tout ça, à cause de moi, des choix que j'avais fait : le choix d'avoir un enfant.
Mon corps ne m'appartenait plus. Je ne maitrisais plus rien. 

Puis le jour J arriva : le 20 mars 2011, mon petit Amaury vit le jour… Je n'ai plus honte de dire que ce jour a été le plus atroce de ma vie. Suite à 15 heures de travail, on m'a posé ce petit être sur le ventre : j'étais intriguée, paniquée, heureuse à la fois…
Le lendemain, les torrents de larmes ont déboulé … et ça, ça a duré des mois et des mois… Je regardais mon fils en l'inspectant : j'essayais de l'intégrer en moi… Des questions qui me traversent , m'envahissent: Pourquoi je n'arrive pas à l'accepter? Pourquoi je regrette ? Pourquoi je ne l'aime pas ?

Devenir mère m'a rappelé la perte de la mienne


J'ai vécu cette période comme si j'avais perdu une deuxième fois ma mère en devenant mère à mon tour. Je me suis rendue compte de l'état de mon corps.
J'étais étouffée par mon corps et étouffée par mes idées : premières crises d'angoisse...Je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Je déambulais. Je vivais avec ce sentiment perpétuel d'excuses [de devoir m'excuser] : m'excuser d'exister, m'excuser d'avoir donné naissance à un être qui sera mal-aimé...et ce bébé qui est là.

Il me regarde, il me voit dans mes pleurs macabres, sans vie, de mère absente.

Je lutte et explique à Amaury "ce n'est pas de ta faute si maman pleure…" Quelle descente…


Cet état a duré bien 6 mois.
Je me suis malgré tout occupée de mon fils comme j'ai pu : tout ce qui était logistique était maîtrisé : le bain, les biberons, les soins… Pour ce qui était des sentiments, c'étaient des vagues de culpabilité, de mal-être, d'auto-flagellation, et des sentiments terribles vis-à-vis de mon fils. J'avais des envies de disparaître, j'avais envie qu'Amaury ne soit pas là. Je me dis que je suis folle. Amaury était pourtant si facile… du moins, je pense qu'il s'est adapté justement…
J'ai fini par prendre conscience que j'avais besoin d'aide. Rendez-vous pris chez le psychiatre, je me vois prescrire des anti-dépresseurs pendant 5 mois de novembre 2011 à mars 2012. 

Un traitement pour tenir

Par contre, je n'ai pas débuté de thérapie et je pense qu'il aurait fallu, mais ce psychiatre était un prescripteur, point.
En mars 2012, je perds mon père des suites d'une longue maladie également. Amaury a un an. Nous gérons [prenons en charge ?] comme nous pouvons les démarches et le deuil. Et Amaury qui est au milieu… encore une fois… Je me dis, à cette période, que je ne peux plus rejoindre le monde réel…

Je SURVIS définitivement… sans énergie.


Mon compagnon est resté malgré ces années de galère, malgré le fait qu'il vivait avec une zombie, une fille qui se laisse aller, qui reste au fond… Je le remercie même si, parfois, nous ne comprenions pas. Il m'a soutenue à sa manière, avec ce qu'il était.
Puis, je ressens le besoin du changement pour moi, pour mon fils et mes proches. Je commence une psychanalyse. Je l'ai débutée en septembre 2012... et j'y suis encore! Il y a du boulot !

Renouer avec son corps puis son esprit


En juin 2013, j'ai fait le choix de subir une chirurgie de l'obésité contre l'avis de mon compagnon et de mon médecin traitant… Ce choix a été déclencheur de beaucoup de choses en moi. C'est le début de la réparation de ces années de traversées du désert. J'ai donné naissance à une MERE et j'ai donné naissance à une FEMME… Je dirais ENFIN, il était temps… Je pèse actuellement 61 kg et "mon IMC est normal…

"Je suis "normale"...


Au jour le jour, je VIS avec mon fils, avec moi. Le plus difficile des regards à supporter était le mien. Je commence à me tolérer… J'aime Amaury de toutes mes tripes. Mon fils a vécu des choses qui ne sont pas ordinaires certes, mais il est souriant, plein d'énergie (parfois trop …) curieux de tout … Bien sûr, j'ai des moments de doutes mais je commence à accepter que le doute fasse partie de la vie d'une MAMAN.
Nous ne rattrapons pas le temps perdu car nous ne pouvons pas changer le passé. Il est là, j'apprends à vivre avec et accepter ce que je suis et accepter mon fils. J'ai revu mes exigences de mère idéale. Je compose avec Amaury, avec ce qu'il est et ce que je suis chaque jour. Je continue à travailler pour son bien-être et le mien.

Le travail n'est pas fini mais je crois que je prends la bonne route… 


Mon témoignage est long mais je ne parvenais pas à faire plus court… J'ai ce besoin de le partager… alors je le fais.




Marjorie

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