L'accouchement s'était bien passé.
C. est venu à 36 s + 4 jrs, soulagement pour moi après une menace d'accouchement prématuré autour de 27 semaines suite à de fortes contractions. J'étais restée quelques jours à l'hôpital et j’avais arrêté de travailler du jour au lendemain.
Le 3ème trimestre de grossesse fût mouvementé intérieurement, un véritable ascenseur émotionnel avec des humeurs qui faisaient le yo-yo.
Mais extérieurement, je me devais d'être le plus inactive possible, moi qui suis plutôt dynamique.
Un troisième enfant, après deux petites filles pleines d'énergie et des boulots bien chargés, n'était-ce pas une folie ? C. est un bébé surprise… et il a fallu quelques discussions intenses, voire houleuses avec le papa pour décider de le garder.
Une fois C. posé sur ma poitrine, je pensais avoir fait le plus dur. Je me rappelle d'ailleurs m'être dit : "Ouf, tout ça est fini ! ".
Comme pour ses sœurs, j'ai souhaité allaiter C. Cela a bien commencé, même si je devais le réveiller tous les 3 heures du fait de sa (très) légère prématurité.
Mais au retour à la maison, la sage-femme a constaté que C. ne prenait pas de poids, alors que pour une fois, j'avais "fait" un bébé de plus de 3 kilos ! Introduction des biberons… grosse déception… pleurs. Pour chaque repas de C., je devais enchaîner tétées-biberons-tire-lait. J'avais l'impression de me retrouver avec A. ma fille aînée née prématurément, quelques années en arrière, en unité kangourou…
Avec ma mère, nous avions pris la décision de donner du lait artificiel un repas sur deux, pour m'alléger. La sage-femme a suivi.
Toute décision à propos de C. était difficile à prendre et j'avais besoin du soutien de ma mère venue nous aider.
Nous avions trouvé notre petit rythme avec le papa. Un peu de répit sauf que C. a augmenté les doses des biberons... alors que moi je souhaitais retourner à un allaitement exclusif et naturel. J'ai fait appel à une puéricultrice de la PMI. Elle est venue chez moi et m'a écoutée. Elle a pris le temps et m'a enveloppée de ses douces paroles. Elle m'a proposé de retirer un biberon sur deux afin d'alterner tétées et biberons, et progressivement de retirer les biberons. Après une bonne semaine, j'ai exclusivement allaité C. J'étais contente de retourner à quelque chose de naturel, même si les tétées étaient longues. Je respirais à nouveau.
Mais le répit a été de courte durée. J'ai commencé à avoir des douleurs aux mamelons. J'ai parcouru le site de la Leache League et j'ai suspecté une mycose mammaire. J'ai suivi un traitement mais cela n'a pas fonctionné.
Mon conjoint est parti en vacances avec nos filles. Je suis partie de mon côté avec C. chez mes parents. Les douleurs persistaient pendant et entre les tétées. Je présumais alors un vasospasme. C. pinçait les mamelons lors des tétées ce qui coupait la circulation du sang. Lorsque le sang revenait dans les mamelons, cela provoquait des picotements, voire de légères brûlures.
Motivée et résolue à allaiter C., j'ai fait appel à une consultante en lactation. Par chance, elle est venue à domicile le lendemain et a confirmé mon diagnostic. Elle m'a conseillé de prendre rendez-vous avec un ostéopathe. Entre temps, je serrais les dents lors des tétées et ré-introduisais quelques biberons, à regrets. L'ostéopathe a manipulé C. avec beaucoup de tact et de douceur, ceci afin qu'il desserre ses mâchoires. Deux jours après, les tétées étaient moins douloureuses. J'étais contente pour nous deux, même si les tétées étaient toujours longues.
Je quittais mes parents pour rentrer chez nous. Je réalisais par la suite que ma seule préoccupation était Clément et mon allaitement pendant le séjour.
Mon conjoint m'a annoncé qu'il devait partir en déplacement une semaine. Je me suis effondrée et je lui en ai terriblement voulu.
Je me posais beaucoup de questions. Mon sommeil était médiocre même si le papa continuait de donner un biberon la nuit à C. Je dormais parfois dans une autre chambre mais cela ne changeait rien. Je faisais des insomnies.
Je ne supportais plus mes filles et n'avais aucune patience avec elles.
Je sentais bien que j'allais mal. J'ai donc consulté mon médecin pour prendre un traitement antidépresseur et des anxiolytiques Je connaissais les signaux ayant déjà fait une dépression post partum après la naissance de ma fille aînée.
Mais celle-là était différente. Je me sentais incapable de gérer trois enfants. Dans ma tête, il y avait mes filles d'un côté et C. de l'autre. Je n'arrivais pas à rassembler le puzzle.
Je remettais tout en cause : le fait d'être mère, d'être en couple, d'avoir fondé une famille.
J'attendais que les journées passent pour aller au lit le soir. J'étais incapable de me projeter au delà d'une journée. J'avais l'impression que tout était figé. Je pensais à toutes les choses à faire pour s'occuper de trois enfants : courses alimentaires, achats de vêtements, rendez-vous médicaux, suivi des devoirs, trajets à l’école, etc… comme si tout était à faire maintenant et en même temps. Je tentais de me résonner mais rien n'y faisait.
Je décidais de m'entourer le plus possible pour traverser cette période.
J'ai rapproché les séances avec ma psychologue que je consultais déjà depuis ma fin de grossesse.
J'ai également fait appel à l'infirmière psychologue de la PMI qui venait me voir à domicile. Je lui parlais de mes hauts et mes bas, de mes inquiétudes... elle a évoqué l'unité mère bébé.
C. sentait bien que sa maman allait mal et s'est fait tout petit. Il s'endormait facilement, il était calme, paisible, ne pleurait pas beaucoup. Je lui disais que je l'aimais, que je n'allais pas bien mais que je me soignais. Je lui disais aussi qu'il n'y était pour rien. Je lui demandais de faire ses nuits ce qu'il a fait rapidement.
C. était un bébé bonheur et je ne profitais pas, je culpabilisais. Lui donner le bain, le changer, le nourrir... tous ces gestes simples du quotidien me coûtaient et me prenaient beaucoup trop d'énergie.
J'introduisais des biberons pour pratiquer l'allaitement mixte, j'avais envie et plus envie de lui donner le sein. J'étais confuse. Épuisée, ma mère m'a dit que c'était une bonne raison d'arrêter. Une fois la décision prise, je me sentais un peu soulagée. A 2,5 mois, je n'allaitais plus C.
J'allais toujours mal.
J'avais des pensées négatives à propos de C. Je regrettais d'avoir eu un troisième enfant et je me disais que j'avais un problème avec lui.
Je n'arrivais pas à me lever le matin, mon conjoint s'est mis en télétravail à 100% pour me tenir compagnie et prendre le relais avec C. quand je ne pouvais pas m'en occuper. Il annulait ses rendez-vous extérieurs pour ne pas nous laisser seuls.
Mon conjoint est parti en déplacement et ma mère est venue de nouveau pour m'aider avec les trois enfants. J'allais encore plus mal. Mes beaux-parents ont gardé mes filles et je restais avec C. et ma mère. Je n'arrivais plus à manger. Je voulais tout lâcher. Je voulais être hospitalisée. Ma mère, impuissante, assistait à ma détresse et se sentait responsable.
Nous avons éloigné nos filles pendant les vacances scolaires. Nous leur avons expliqué que j'étais épuisée et que j'avais besoin de repos.
Ma tante, psychanalyste, m'a appelée pour prendre de mes nouvelles. J'étais si mal que le lendemain, elle a pris un train pour nous rejoindre et a fini de me convaincre de demander une hospitalisation en unité mère bébé. Nous avons beaucoup échangé. Lucide malgré tout, je me rendais compte de la chance d'être ainsi soutenue et entourée.
Dans l'attente d'une solution définitive, ma tante a prolongé son séjour de quelques jours pour me soutenir. Le lendemain, l'unité mère bébé m'a appelée pour me donner directement une date d'entrée... ce fût le début de ma reconstruction !
Dans cette structure où nous sommes restés quelques semaines, j'ai retrouvé confiance en moi, j'ai noué des liens avec mon bébé et j'ai repris plaisir à m'en occuper.