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Je me suis mise à ne plus pouvoir pleurer. Je ne sais pas pourquoi mais je n'y arrivais plus



Un baby blues avant l'heure

J'étais très fusionnelle avec ma fille aînée et quand je suis tombée enceinte du 2eme bébé - suite à des problèmes de couple - j'ai commencé à avoir des doutes sur la solidité de ce dernier, sur son avenir. Du coup, j'ai mal vécu la seconde grossesse. J'ai eu un baby blues avant "l'heure" en quelque sorte…

Une grossesse difficile

A 18 semaines de grossesse, à cause de contractions précoces, j'ai du cesser toute activité (ménage, balades, etc.). Comme il fallait aussi m'occuper de l'aînée, l'alitement ne fut que théorique…

J'ai commencé à en vouloir à ce bébé que je portais, de me priver ainsi de vivre normalement avec ma fille aînée.

En effet, je venais à peine de vaincre partiellement mon agoraphobie lorsque nous avons mis en route ce second bébé, et je commençais donc à peine à vivre quelque chose de nouveau avec elle, comme aller se balader ensemble la journée et ne plus devoir attendre mon mari le soir pour qu'il nous accompagne.


J'avais des propos rudes sur cette grossesse, je disais que je n'aurais pas du mettre en route ce bébé, que j'aurais du y réfléchir plus longuement.

Je me demandais comment j'allais matériellement pouvoir quitter mon mari avec deux enfants : avec un seul enfant c'était encore faisable, mais pas avec deux. Je faisais quand même parfois du ménage, comme si je voulais mettre à l'épreuve, la volonté de ce bébé à venir au monde vivant - à terme.

La difficulté à faire le lien avec cet enfant était déjà forte

Lorsque nous allions aux échographies, je ne me sentais pas émue et heureuse. Je ne vivais vraiment rien comme lors de la 1ere grossesse qui pourtant, avait été physiquement bien plus pénible.

Quand on me posait des questions sur cette grossesse, je faisais comme si j'étais heureuse, comblée.

Mais en fait, je souffrais intérieurement. Pourtant je l'aimais déjà mon bébé. Je doutais aussi sur la méthode d'accouchement. Pour ma 1ere, j'ai mal vécu de devoir avoir une césarienne, car je ne m'étais jamais imaginée accoucher comme ça et j'ai eu du mal à l'accepter. Pour cette 2eme grossesse, j'étais partagée entre l'inconnu de l'accouchement par voie basse - qui me faisait peur - et le dégoût encore bien présent pour cette partie de mon corps, dû à des événements de mon passé et le fait de savoir que si je n'accouchais par là, je serais limitée à 3, voir 4 enfants maximum à cause des césariennes.

Revivre une césarienne

Avec l'aînée, puisque je n'avais rien le droit de faire comme activité physique, je passais beaucoup de temps avec elle à la maison. En fait, je ne faisais que ça toutes mes journées et on s'entendait vraiment bien. Quand je suis allée à la maternité pour le déclenchement et après quelques heures de travail - alors que je croyais dur comme fer que cet accouchement avait toutes les chances de bien se passer- il a fallu faire à nouveau une césarienne.

Cette annonce fut pour moi difficile, car elle signifiait que je n'aurais jamais la grande famille que je souhaitais.

Je me suis mise à pleurer et n'ai pas cessé de toute l'opération. Lorsqu'ils me l'ont présenté au-dessus du drap stérile, mes sentiments étaient confus, je pleurais par émotion, mais aussi par déception du déroulement de la fin de cette grossesse.

Un allaitement en dents de scie


Une fois dans ma chambre avec mon bébé, j'ai eu rapidement des difficultés à l'allaiter. En fait, je n'avais pas vraiment envie de le faire, car je n'arrivais pas à manifester mes sentiments. Ils me venaient par bribes, à certains moments et semblaient disparaître pendant les déprimes. Je la trouvais moins jolie que sa sœur à la naissance.

Je lui en voulais pour plein de choses et la tenais pour responsable d'avoir mis fin à ce rêve de fonder une grande famille.

Pourtant j'essayais de l'aimer comme il l'aurait fallu, comme je l'aurais voulu - car au fond de moi, je savais bien que je l'aimais ! J'essayais de passer du temps avec elle, de lui manifester de la tendresse, d'avoir pour elle des mots remplis d'amour et une voix apaisante. En vain, je ne me sentais pas heureuse et je n'y pouvais rien.
Pour moi-même, c'était aussi difficile que douloureux, tous ces sentiments qui se mélangeaient : l'amour, l'envie d'aimer, la colère, la haine parfois, l'envie de mourir et à la fois celle d'être forte pour elles, etc.
Les journées ne se passaient pas trop mal, comparées aux soirs.

C'était le soir, quand mon mari et mon aînée partaient, que tout s'effondrait. Je sombrais alors dans les pleurs et ce toute la nuit.

Le lendemain de l'accouchement, ma fille aînée est venue pour la 1ere fois nous rendre visite à la maternité. Le soir, au moment de partir, celle-ci qui ne voulait pas me quitter, s'est mise à pleurer et mon cœur s'est comme déchiré. C'était notre 1ere séparation. Les jours suivants, elle était devenue distante comme si elle m'en voulait de quelque chose. Je souffrais beaucoup de voir ma princesse ainsi alors qu'elle avait toujours été si câline avec moi.

Prévenir les soignants


J'ai alors parlé de mon état à mon gynécologue, qui m'a dit que, si pour la 1ere, le baby blues n'avait duré que quelques jours, celui-ci ne durerait pas plus longtemps . Je sentais pourtant que ce n'était pas pareil et il a malheureusement eu tort …

Je n'ai plus osé en parler à personne par la suite par peur d'être jugée, incomprise, traitée de mauvaise mère, que l'on me retire mon enfant, la honte, la culpabilité.

Je faisais alors encore semblant d'être heureuse, épanouie, comblée, comme durant la grossesse.

Mon bébé avait beaucoup de coliques et pleurait énormément à chaque tétée. J'avais les nerfs à bout, à peine pleurait-elle que je m'énervais. Moi qui m'étais assurée de pouvoir faire du co-sleeping avec elle dès la maternité. Pour ma première, j'avais du à ce propos batailler ferme auprès du personnel hospitalier pour la garder à mes côtés - je me suis retrouvée à ne plus vouloir qu'elle soit trop souvent à mes côtés. Je pensais que de rentrer à la maison et de retrouver ma fille aînée, me ferait le plus grand bien.

Le retour à la maison

Il en a été tout autrement.

Mon baby blues s'est empiré et s'est retourné contre mes deux filles et mon mari.

Je criais, ou plutôt hurlais sans cesse, tous les jours, pour tout et rien. Je disais des gros mots constamment. J'avais envie de me suicider, pensant que c'était préférable pour mes filles. Des moments sombres de mon passé remontaient, ainsi que les problèmes de couple. J'étais désagréable et distante avec mon mari et on s'éloignait de plus en plus. Je me suis mise à ne plus pouvoir pleurer. Je ne sais pas pourquoi mais je n'y arrivais plus. J'en avais besoin mais en vain aucune larme ne sortait plus : ni avec le chagrin, ni avec la colère, ni avec la douleur. Avant ça, les pleurs avaient toujours été la soupape de sécurité de ces états négatifs.

Un an s'est passé avant que je puisse pleurer à nouveau.

J'avais des colères injustifiées à l'encontre de mon mari et mes filles, je tentais de prendre de la distance avec eux et j'avais souvent envie de tout plaquer et partir très loin. J'ai eu parfois des propos très violents et crus à l'encontre de mes filles, tels que "Je vais vous massacrer", "Je vous déteste", "Je vais vous étrangler", "Je ne vous supporte plus", etc.

Il m'arrivait, quand la petite était encore tout bébé, d'avoir envie de la secouer pour qu'elle cesse de pleurer.


Elle avait toujours ses coliques et tétait mal. Elle ne prenait pas beaucoup de poids - vu mon état, elle ne devait pas être suffisamment sereine pour bien téter et cet échec pour l'allaiter correctement me stressait. Après chaque tétée de nuit, elle pleurait 3 à 4h si on ne la portait pas en la baladant. Je devenais folle, je n'en pouvais plus, j'étais si épuisée. Il m'arrivait parfois, d'être allongée sur le dos, de l'avoir sur moi, semi couchée. Je tremblais car j'avais envie de la secouer pour la faire taire pour qu'elle me laisse dormir au moins l'espace d'un moment. Il m'arrivait aussi de serrer parfois sa jambe, dans l'envie de lui faire mal et je me disais en moi-même "Et si je la cognais contre le mur pour qu'elle se taise un peu !"

Se contrôler coûte que coûte

Heureusement, j'ai su me contrôler. Je ressentais de l'amour en la regardant et j'avais conscience de la gravité de mes pensées, mes actes et mes envies. Ma conscience prenait le dessus et me permettait de me contrôler.

Je préférais alors la laisser pleurer dans son coin et partir un moment dans une autre pièce pour me calmer un peu.

J'ai même eu des attitudes sadiques en l'empêchant d'accéder au sein immédiatement. Elle avait faim et le cherchait, je la mettais alors au sein mais ne la laissais pas le prendre de suite, je lui donnais juste envie. C'était cruel mais j'espérais ainsi lui donner tellement l'envie de l'avoir qu'elle s'appliquerait ensuite à manger correctement.

Je n'avais plus envie de jouer avec mes filles et je devais me forcer. Tous les prétextes étaient bons pour me défiler. Je me plongeais souvent dans le ménage pour avoir une excuse pour ne pas jouer avec elles.

Prendre conscience de son mal être

Il y a quand même eu un moment où j'ai pris conscience de mon problème. J'ai ensuite voulu le résoudre seule et même si cela allait un peu mieux, rien n'allait vraiment bien : conflits perpétuels avec l'aînée, aucun lien avec la cadette qui n'aimait guère ma présence et mes bras. J'ai tenté de prendre des anti-dépresseurs qui m'ont provoqué des maux de tête affreux. J'ai du les arrêter. Je me suis dit alors qu'il fallait que ça s'arrête vraiment, que je ne voulais pas continuer comme ça, au moins pour elles.

Je ne voulais pas qu'elles subissent encore tout cela et je refusais l'idée de leur donner une telle image négative de la femme, sachant que je serais leur modèle féminin.

Je voyais quotidiennement leurs souffrances, mais c'était plus fort que moi, les mots affreux sortaient seuls, même si au fond je ne les pensais pas.
J'essayais de me contrôler, mais en vain, même si je savais que ça leur faisait du mal, même si je me disais "dis le pas, ce n'est pas la peine, tu ne le penses même pas", mais paf, ça sortait malgré tout. Je me sentais sans cesse malheureuse et pourtant j'avais tout pour être heureuse : Un mari gentil, patient, tolérant et deux magnifiques puces.

J'avais aussi besoin de souffrir pour moi-même, de me faire souffrir jusqu'au bout, le plus profond possible et être si cruelle avec ceux que j'aimais le plus, était aussi un moyen de me faire du mal...C'est une attitude que j'avais conservé de mon passé.

Une rencontre avec un professionnel compétent

Bref, après presque un an et demi, j'ai eu la chance de croiser sur mon chemin les bonnes personnes. On m'a conseillé d'aller chez une ostéopathe cellulaire et là, ça a été épatant. Dès le premier rendez-vous, des changements radicaux se produisirent : ma fille cadette est devenue comme « accro » à ma personne, l'aînée et moi avons eu nettement moins de conflits. Je criais moins, m'énervais moins et moins vite. J'eus de nouveau du plaisir à jouer avec mes filles, etc.
J'ai retrouvé gentiment de l'estime pour moi et de la confiance en moi. J'ai compris les raisons psychologiques qui ont été la source de mes césariennes et ai pris conscience de beaucoup de choses : le pourquoi de ci ou ça.

Aujourd'hui, je ris à nouveau de bon cœur.

J'ai appris aussi à pardonner et j'ai désormais envie de vivre mes rêves et non plus de rêver ma vie. Je me sens tout simplement heureuse et comblée.
Mon état n'est pas encore parfait, mais je continue les séances pour aller de mieux en mieux. Je sais désormais que je n'y pouvais pas grand chose, que cet état second n'était en rien de ma faute, même si d'autre part, je me sens encore remplie de remords et de culpabilité. Il me reste encore cette part de travail à faire sur moi. Lorsque j'aurais fini, j'y emmènerais également mes filles, afin qu'elles évacuent elles aussi, les douleurs que j'ai pu leur faire subir durant tout ce temps.

En conclusion

Voilà mon expérience du baby blues. J'estime avoir eu de la chance de ne pas avoir sombré plus bas, de ne pas être arrivée au point de commettre des actes graves et violents - hormis quelques petites fessées à l'aînée lorsqu'elle me faisait de très grosses crises de nerfs.
Si je vous en parle ici ou à travers des forums Internet comme je l'ai déjà fait, c'est pour lever les tabous qu'il y'a encore à ce sujet, pour faire cesser la culpabilité de toutes les mamans qui traversent ces moments difficiles, pour qu'elles sachent aussi qu'elles ne sont pas seules dans ce cas. J'espère très sincèrement que cela apportera quelque chose, ne serait-ce qu'à une seule personne, qu'elle sache à travers mon témoignage , qu'on peut s'en sortir, qu'on peut aller mieux et qu'il y'a des solutions pour y parvenir.

Il faut que les femmes qui souffrent de déprimes n'aient pas/plus peur d'en parler.

Plus tôt elles oseront, moins violent sera leur baby blues.

Et je voudrais aussi dire aux professionnels de la santé, aux sages-femmes, aux gynécologues obstétriciens, généralistes et autres médecins, combien il est important de prendre au sérieux ce mal et d'être à l'écoute de la maman qui trouve le courage d'en parler et de demander de l'aide, de ne pas juste lui dire "que ça va passer tout seul".

Alors que je croyais avoir atteint un stade limite, que je pensais que je resterais dépressive le reste de ma vie et que je ferais sans cesse insomnies et cauchemars les fois où j'arrivais à dormir, j'ai découvert que je pouvais aller encore plus loin : au-delà même des limites maximum.

Aujourd'hui, je suis capable de dire que je suis une bonne maman, car j'ai su me battre, pour mes filles, à plusieurs reprises.

Etre une bonne maman, ce n'est pas être parfaite et infaillible, ce n'est pas de faire grandir nos enfants dans une maison où il n'y a jamais de cris, de gros mots, de disputes, de prises de tête et de pleurs et ne jamais avoir tort.
Etre une bonne maman, c'est aussi savoir admettre quand quelque chose ne va pas, c'est vouloir changer cela par amour pour nos petits.
C'est donner le meilleur de nous-mêmes avec nos faiblesses mais surtout avec nos forces, ces forces que l'on cultive tout au long de notre vie. On se dit trop souvent qu'on peut y arriver seule, mais il y a un moment où il faut savoir demander de l'aide, admettre nos limites et c'est un grand pas en avant que d'y parvenir.

Entre mon passé, ce baby blues et ma thérapie, malgré une certaine fragilité encore, j'ai acquis beaucoup de forces. J'ai appris à être plus tolérante, à ne plus être rancunière, à ne pas juger et encore moins de manière hâtive, à avoir envie plus que jamais d'aider les autres et à avoir d'avantage de compassion pour eux.

Ma fille aînée aura bientôt 42 mois, la cadette fêtera demain ses 20 mois...

Isabelle, 25 ans, Suisse.




Isabelle

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