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Je m’effondre, engloutie par le trouble anxieux qui caractérise ma dépression du post-partum



Mai 2017

Après 8 ans de relation et beaucoup d’hésitations, notre projet bébé est lancé.

Deux mois plus tard, je suis enceinte ! C’est allé si vite, je suis agréablement surprise, même si pas tout à fait prête. Je me laisse porter.

Août 2017

72h d’incertitudes et 2 allers-retours aux urgences qui se soldent par une fausse couche.

On vérifiera par la suite que l’incubateur (mon corps) a bien expulsé l’embryon, que la machine est à nouveau en état de marche. Par contre, le néant niveau accompagnement émotionnel. Et comme je n’avais annoncé la nouvelle à personne, je n’ai que ma douleur pour me tenir compagnie.

Décembre 2017

Je suis à nouveau enceinte. Même si je ne suis plus aussi émue, je veux y croire. Ne dit-on pas que la foudre ne tombe pas deux fois au même endroit ? Quelques jours plus tard, de légères pertes rosées m’alertent. Puis une douleur dans le bas ventre, à droite, qui irradie jusque dans le bas du dos.

Le verdict tombe : il s’agit d’une grossesse extra-utérine.

Je ne réalisais pas encore que j’étais enceinte et me voilà devoir décider si je préfère une injection de méthotrexate ou une opération pour retirer cet embryon niché dans ma trompe droite. Je choisis l’injection et je rentre chez moi, avec pour consigne de revenir si je ressens une soudaine et vive douleur. Ma trompe pourrait se rompre et dans ce cas, il faudrait agir vite.
24h d’angoisse à la maison, avec le sentiment d’avoir une bombe à retardement dans le ventre. J’ai de plus en plus mal, la douleur monte crescendo. Quand m’asseoir ou poser le pied par terre me fait hurler de douleur, je retourne à l’hôpital. Il était temps : il y a tellement de sang dans mon ventre qu’à l’échographie on ne distingue plus rien. Passage au bloc en urgence. Ma trompe était fissurée. Le sang s’en échappait au goutte-à-goutte. D’où la douleur qui montait progressivement. La chirurgienne l‘a laissée en place, bien qu‘il soit peu probable qu’elle cicatrise correctement. S’il s’avère que je n’aie plus qu’une seule trompe valide, j’aurai 30% de chances de moins de retomber enceinte.
On nous demande d’attendre 4 cycles pour nous y remettre. Je me sens en sécurité pendant cette pause. Je me confie à mes sœurs, à mes amies proches et je me rends compte que c’était stupide de ne rien dire avant trois mois, “au cas où”. Parce que quand le “au cas où” se présente, on n’a personne pour nous réconforter.

Mai 2018

Reprise des essais. Je développe une forte anxiété à l’approche de mes règles. Je m’effondre à chaque fois. Je culpabilise, je regrette.

Pourquoi avons-nous tant attendu pour nous lancer ?

Août 2018

Troisième test de grossesse positif. Je me languissais tant de ce moment et pourtant, je suis en panique totale.

Je suis persuadée de refaire une grossesse extra-utérine.

Ce n’est heureusement pas le cas. Pour autant, ce n’est qu’au 5ème mois que je m’autorise à y croire enfin. J’ai tellement peur de perdre ce bébé encore une fois ! Je partage mes craintes avec mes amies, mais ce n’est pas suffisant. Au 6ème mois, on me diagnostique un diabète gestationnel, pour 0,01g/L de trop. Ma gynécologue dégaine l’artillerie lourde : RDV le jour même avec une endocrinologue, puis avec une nutritionniste. Je me pique le doigt 6 fois par jour. Je respecte à la lettre toutes les recommandations, j’écarte de mes menus toute une liste d’aliments, je pèse mes rations. Je suis déterminée à faire tout ce qu’il faut pour que cette grossesse aille à terme et que Bébé aille bien. Je suis plutôt mince, je prendrai en tout et pour tout 5,8kg.

Avril 2019

Des contractions rapprochées nous mènent à la maternité. 31h de travail plus tard, la dilatation de mon col stagne à 9. Moi qui souhaitais un accouchement le moins médicalisé possible, je dois me rendre à l’évidence : ce sera une césarienne. Celle-ci se révèle traumatisante : le papa se voit refuser au dernier moment l’entrée au bloc par le médecin anesthésiste car elle “ne veut pas d’un troisième patient au bloc”. Je suis terrorisée. Je revis les émotions de la grossesse extra-utérine. Pour me rassurer, je parle en continu, je pose des tas de questions, je veux m’assurer qu’on ne m’endorme pas complètement. Le chirurgien me réduit au silence d’une phrase glaçante : “mais taisez-vous madame, laissez-nous faire notre travail”.

Sidérée, murée dans mon corps et dans le silence que l’on m’a imposé, je subis tout.

Attachée, les bras en croix, je suis secouée de toutes parts. On me tire, on me pousse, on maintient mon corps sur la table pour fouiller dans mes entrailles. Je saisis au vol quelques termes techniques. C’est un acte chirurgical pur et simple. Quand j’entends un nouveau-né pousser un cri, je pense que c’est un énième bébé qui naît dans une salle voisine. Je suis hébétée quand j’aperçois un bébé, mon bébé, au-dessus du champ opératoire. Le bébé emmailloté qui porte un bonnet que l’on me présente un peu plus tard, en salle de réveil, est très différent de l’image que j’ai de celui qu’on a sorti de mon ventre. C’est très étrange.
Le séjour à la maternité est angoissant. Les discours des soignants sont contradictoires, c’est déstabilisant. L’allaitement se met difficilement en place. Mon bébé perd un peu trop de poids, on m’oblige à lui donner du lait artificiel. Je ne suis qu’une incapable. Je pleure tellement que je demande à voir une psychologue. Elle passera 48h plus tard, alors que nos valises sont prêtes pour rentrer. Elle me laisse ses coordonnées, “au cas où”. Les semaines qui suivent, j’ai du mal à me sentir sereine. Tout me semble une montagne. Je me sens faible physiquement, je pèse déjà trois kilos de moins qu’en début de grossesse. J’ai des flashs de la césarienne. Sous la douche ou la nuit, je revois toutes ces personnes en vert qui s’agitent autour de moi, qui suis à leur merci. Je recontacte la psychologue et je la vois quelques fois, cela m’aide.

Août 2019

Nos premières vacances à trois ! Nous partons dans ma belle-famille, à 800km de chez nous. Le trajet en voiture est une horreur. Bébé hurle, je n’arrive pas à le calmer. Je m’en veux de lui infliger cela. Sur place, ce n’est guère mieux.
De retour à la maison, je commence à avoir des difficultés de sommeil.

Les jours passent et malgré la fatigue, les nuits blanches s’enchaînent.

Je finis par ne plus dormir du tout et par développer une véritable appréhension par rapport au coucher. J’en parle à quelques amies, aucune n’a connu cela en devenant maman. Au bout de trois semaines, perdue, je recontacte la psychologue de la maternité.
Je lui parle de mes insomnies. Elle veut savoir si c’est toujours lié à la césarienne. Je lui réponds que non, ou peut-être que si. Que je me pose beaucoup de questions, que tout est confus, que je suis épuisée. Elle me donne le nom de deux médecins et un numéro à contacter. Je le compose aussitôt, pour ne pas me défiler. Je me vois proposer un RDV pour le lendemain. Je suis soulagée et inquiète : j’ai RDV à l’hôpital psychiatrique. Suis-je donc devenue folle ?

Septembre 2019

Je suis sur mes gardes pour ce premier RDV. Au bout de quelques consultations, et devant mes difficultés de sommeil persistantes, je finis par accepter l’hospitalisation de jour en unité mère/bébé. Je m’y rends d’abord une, puis deux fois par semaine. Je ne m’y sens pas à ma place. Mais petit à petit, les soignantes gagnent ma confiance.

Octobre 2019

A contre-cœur, j’entame un traitement anxiolytique et antidépresseur. Mes angoisses sont décuplées. Je m’effondre, engloutie par le trouble anxieux qui caractérise ma dépression du post-partum.

Je suis si triste de me sentir si mal, au lieu de profiter de mon bébé !

On me propose l’hospitalisation à temps plein, j’en ai trop peur. Je suis finalement accueillie en hospitalisation de jour du lundi au vendredi. Je passe 6 semaines complètes dans ce cadre sécurisant. Les journées sont régies par le même rythme rassurant. Je ne suis jamais seule (sauf si je le souhaite), je suis accompagnée pour les moments les plus stressants pour moi, notamment pour coucher mon bébé. Je tisse des liens avec les soignantes, avec d’autres mamans. Le quotidien devient plus léger.

Janvier 2020

Je reste hospitalisée deux jours par semaine, mais cela va beaucoup mieux. Les autres jours, je découvre, à tâtons mais enfin sereinement, le quotidien à la maison avec mon bébé. Je ne savais pas qu’il pouvait être si simple et si doux !

Mars 2020

Premier confinement. L’hospitalisation s’arrête net. Mon compagnon est à la maison pour plusieurs semaines. C’est un peu comme revivre un congé de maternité, mais apaisé. Une jolie bulle à trois.

Avril, mai 2020

Je réduis petit à petit puis arrête les anxiolytiques. Les soignantes de l’unité prennent de temps à autres des nouvelles par téléphone.

Juillet 2020

Je revois enfin ma psychiatre. Nous décidons de réduire les antidépresseurs. Je reprends le travail deux mois plus tard.

Décembre 2020

J’arrête les antidépresseurs tout en continuant les consultations avec ma psychiatre. C’est du confort, mais j’apprécie nos échanges et la belle personne que j’ai rencontrée.

Février 2021

Il m’est toujours impossible de visionner une scène d’accouchement à la télé sans me mettre instantanément à pleurer, à trembler.

Je décide de suivre des séances d’EMDR.

En parallèle, j’écris une lettre à l’hôpital où j’ai accouché. Lors d’un RDV, je la lis au chirurgien et à l’anesthésiste présents le jour J. Deux ans après, me voilà enfin en paix avec la naissance de mon fils. Je deviens bénévole pour l’association Maman Blues.

Juin 2021

Plusieurs événements me déstabilisent. Ma psychiatre et moi décidons de la reprise du traitement antidépresseur. Ce sera en outre plus sécurisant pour le projet de deuxième bébé que nous venons de lancer.

Juillet 2022

Me voilà à nouveau enceinte.

14 mois d’attente, longue, mais douce. La sérénité dans laquelle se passe cette grossesse me fait prendre conscience de combien j’étais anxieuse pour la précédente. Je choisis de m’entourer différemment cette fois : un trio de sages-femmes libérales pratiquant des accouchements en plateau technique dans une maternité différente de celle de mon fils, une ostéopathe, et tous les deux mois environ, une consultation avec une psychiatre.

Avril 2023

Je me rends à la maternité où m’attend ma sage-femme. J’ai fait une bonne partie du travail à la maison, je suis en confiance. Pourtant, au bout de quelques heures, comme la première fois, la dilatation du col stagne à 9. Une césarienne est finalement décidée car j’ai de la fièvre. De plus, mon bébé et moi sommes tachycardes. Je suis sereine car nous avions préparé ce scénario avec une gynécologue de l’hôpital. La césarienne est d’une grande douceur. Toute l’équipe est aux petits soins. Mon compagnon est à mes côtés, nous écoutons la musique que nous avons apportée. Je peux garder ma puce en peau à peau contre moi pendant de longues minutes. Nous vivons pleinement la naissance de notre enfant, et pas seulement l’acte chirurgical associé.

Après une nuit magique ponctuée de tétées et de câlins, je ressens d’intenses douleurs au ventre.

Suspicion d’hémorragie. Je retourne au bloc. Rien à signaler. Je ne vais pas mieux pour autant. Nouveau passage au bloc 48h plus tard. Je fais une péritonite utérine. Comme elle a été détectée tardivement, plus d’un litre de pus se promenait dans mon abdomen. Mon état se dégrade rapidement. Je suis transférée dans un autre hôpital. Mon bébé et mon compagnon aussi. Je passe 17 jours en soins intensifs, en état de choc septique, extrêmement faible et sédatée. Je tire (ou plutôt on me tire !) mon lait pour stimuler la lactation mais à cause des multiples traitements, il faut le jeter. Cela me fatigue autant que cela me fait tenir : la perspective de l’allaitement est pour moi synonyme d’un retour à la normale.
Je ne vois pas mon grand pendant trois semaines, Je ne veux pas qu’il me voie faible, enflée et branchée de partout. Ma fille a 25 jours quand je peux enfin lui donner le sein. Je déjoue les pronostics en débutant un allaitement exclusif. Après 6 semaines d’hospitalisation, je rentre à la maison. Je suis très peu mobile, j’ai perdu toute ma masse musculaire et je garde une sonde urinaire pendant 3 mois au total. Ma plaie mettra encore davantage de temps à se refermer et à
cicatriser complètement, d’où d’importants soins à domicile.

Septembre 2023

Après plusieurs mois de repos où j’ai été portée par ma famille, mes amis et des soignants, tous formidables, le quotidien avec mes deux enfants commence enfin à ressembler à celui que je m’étais imaginé.
Aujourd’hui, différentes rééducations sont toujours en cours. Mais malgré toutes les complications survenues, je vais bien. Parce que l’on a véritablement pris soin de moi, de mon moi tout entier. Sans dissocier ma santé physique de ma santé mentale. Mais sans doute aussi parce que j’avais déjà vécu mon tremblement de mère.

Grâce à lui, j’étais solidement outillée et parfaitement entourée pour traverser cette nouvelle tempête.




Sophie

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