Parce que c'était à moi d'assumer mon enfant, de m'en occuper, de veiller sur mon tout petit.
Je me rappelle que je pleurais sans raison apparente vers les 7-8 mois de grossesse. Indicible. Inconsolable. Des peurs et des pleurs. "Ce sont les hormones". sûrement. Ce devait être usant pour mon entourage de me voir ainsi. Qui peut me consoler de cette angoisse profonde, qui rejaillira d'ailleurs plus intensément quelques mois plus tard.
Ma fille est née après 72 heures épuisantes, je l'allaite grâce à l'aide précieuse des sages-femmes, puéricultrices de l'hôpital où j'ai choisi d'accoucher. J'y suis restée 5 jours, j'y étais bien et en sécurité.
Nous rentrons à la maison…
Je ne parviens pas à faire tout ce que je souhaiterais : ranger, faire les courses, me laver, préparer les repas, allaiter… Bref rien de si extraordinaire. Je le fais mais quels efforts cela me demande. Comment font les autres femmes, les autres mères, les "super women" ? Je suis vraiment nulle, toujours à plat, plus le moral, plus de joie de vivre.
J'ai tenu un jour, puis un autre, nuit après nuit… A écouter ton souffle, à me lever pour vérifier que tu respirais, à te nourrir, à te bercer. Je ne travaillais pas donc c'était à moi d'assurer les nuits. Ça va, je tiens. Mais la fatigue extrême a accentué mes angoisses, peur de tout, peur de la mort, qu'il arrive quelque chose à mon homme, à mon enfant, à ma nouvelle famille, et je ne pourrais rien empêcher. Je pleure à la tombée de la nuit, j'attends impatiemment le retour de mon homme. J'aurais dû demander de l'aide. Je n'ai pas su exprimer mon besoin d'être protégée, de "régresser" comme une enfant.
Finalement je suis devenu un "monstre", plein de colère et de haine qui ne demandaient qu'à s'exprimer violemment... Contre toi, mon compagnon de vie. Tu n'as pas supporté. Beaucoup d'attentes, de bonheur déchu, peu de verbalisation, beaucoup de reproches et de disputes ont eu raison de nous. Je regrette. Je n'ai pas su te demander de me prendre dans tes bras, de prendre le relais, de créer des espaces de séparation, de me laisser dormir encore et encore…
J'avais des pannes de lait aux environs des 4 mois de ma fille. Quel drame !
J'ai tout fait pour favoriser la lactation (jus d'ananas, bière sans alcool au malt bio, protéine à tous les repas). J'étais juste épuisée. A présent je le sais.
Je ne savais pas comment la sevrer, on ne m'a pas appris. Le soutien à l'allaitement existe mais celui au sevrage, pas vraiment. J'appréhendais cette étape dont les psy et les pédagogues parlent comme d'un traumatisme s'il n'est pas vécu sereinement par l'enfant et la mère. Et puis on dit aussi qu'il faut un "tiers séparateur", mais comment dire : aidez-nous à nous séparer ! Alors que je n'avais pas le désir déjà de la confier ne serait-ce que pour une heure.
Vers les 8 mois de ma fille adorée, j'ai côtoyé des lieux parents enfants. Et cela m'a fait du bien. Je me pomponnais avant de sortir, je pouvais parler avec d'autres parents, et surtout j'ai observé que les autres parents avaient eux aussi des cernes sous les yeux ! Je ne suis pas toute seule.
Et pourtant le "monstre" est toujours là. Je perds patience avec mon enfant. J'ai peur de lui faire du mal. Où exorciser tout cela ? On me jugerait, c'est sûr. Je suis définitivement une personne mauvaise.
Voilà ce que je pensais, et je vous l'avoue je le pense encore parfois aujourd'hui. Cette agressivité, je m'en rends compte grâce au travail que je fais sur moi-même, était l'expression d'une peur profonde, peur de lâcher prise, de m'effondrer. Je hurlais maladroitement mon envie de faire le mieux possible pour mon enfant. Je me suis agrippée de toutes mes forces à plein de petits rituels sécurisants pour ma fille, mais également pour moi. J'essaie de me remettre en question, de revoir mes appels à l'aide masqués et pourquoi j'ai tenu mon entourage à distance de mes souffrances.
Cela me fait du bien de partager tout cela avec vous. Et de sortir peu à peu de ma bulle...
Écrire ce texte m'a libérée. Il signe en effet le début d'une reconstruction pas à pas, sans me brusquer, et sans exigence. Difficile quand on sait la pression que je me suis mise depuis la naissance de ma fille 🙂
J'ai bon espoir de retrouver une sérénité et une joie de vivre. En lâchant prise, j'ai l'impression curieusement de ne plus subir mais d'être ouverte à la vie. Je réapprends peu à peu à me faire du bien, à reconnecter avec qui je suis vraiment, avec tous les changements que j'ai vécu.
Un ami m'a dit très justement qu'il me fallait produire de l'ocytocine, cette indispensable hormone du bonheur. On ne peut pas se la faire prescrire malheureusement ! Il faut essayer de retrouver le chemin du plaisir, chaque jour dans ce qui nous entoure. Ainsi cette hormone nous envahit et nous apaise. Et ainsi de suite jusqu'à ce que cela ne nous demande plus d'efforts.