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Ma plus belle histoire d'amour



J'ai mis 18 mois à tomber enceinte, 18 longs mois ; un parcours de PMA avait même été demandé.

Et puis c'est arrivé: le 15 juin 2012, une prise de sang positive, la joie totale. Les premiers mois se sont bien passés.

Mais à partir de 4 mois de grossesse, je me suis mise à pleurer quotidiennement. Pourtant l'horreur a vraiment commencé lorsque le test pour le diabète de grossesse, à cinq mois et demi, est revenu positif.

J'attendais un garçon. C'était le premier garçon qui arrivait dans la famille depuis la mort, cinq heures après la naissance de mon frère, le premier bébé de ma mère, 30 ans plus tôt. Après, elle n'a eu que des filles ; et ma sœur, une fille aussi. Ma mère a reporté ses angoisses de mort sur mon futur bébé, et j'ai donc fini ma grossesse en me disant « à quoi bon », vu que mon fils ne vivrait pas.

J'ai été déclenchée à 38,5 SA car je n'en pouvais plus psychologiquement.

Je garde un bon souvenir de l'accouchement, mais je ne comprends pas comment.

J'ai été déclenchée à 8h le vendredi, mais aucune contraction n'a eu lieu de toute la journée. Le soir, je suis retournée dans ma chambre pour dormir et retenter le déclenchement le lendemain ; mais sans succès de nouveau.

Je n'ai pas souffert physiquement, la péridurale ayant été posé du fait que j'étais déjà dilatée à 3 cm lors de mon arrivée en salle de naissance, mais les heures passaient et le col ne bougeait plus. La sage femme ne comprenait pas ; elle passait son temps à augmenter la perfusion, elle a même percé la poche des eaux, mais en 2 jours la dilatation n'avait augmenté que de 1 cm.

J'envoyais toutes les heures des nouvelles a ma mère par SMS, et à 19h elle m'envoie "j'espère que le bébé va tenir".

Je me suis effondrée. Je me suis mise à hurler " mon bébé va mourir, mon bébé va mourir". La sage femme, en me voyant dans cet état, s'est rappelée que j'avais des anxiolytiques, et m'en a donné un. Il faut croire que j'étais sacrément stressée par cette naissance car 2h après avoir pris mes médicaments mon col qui ne bougeait pas jusqu'alors s'est totalement dilaté.

Et 20 minutes plus tard mon fils est né.

On me l'a posé sur le ventre, je n'ai pas pleuré de joie, j'étais juste pétrifiée et je criais "prenez-le". J'ai été très soulagé quand la sage femme et mon mari sont partis avec lui pour l'habiller. Puis elle a trouvé qu'il n'arrivait pas à se réchauffer, alors il a été placé en couveuse. Il devait être 2h du matin, je me suis endormie en salle d'accouchement en me disant qu'à mon réveil mon fils serait mort. A 5h on me l'a amené pour faire du peau à peau car sa température était toujours trop basse ; mais j'ai dit non.

Puis nous sommes retournés en chambre avec ce bébé.

Et les jours ont passé. Je m'occupais de mon fils sans trop comprendre le monde qui m'entourait. J'en avais marre de l'entendre pleurer. A la maternité j'avais dit à mon mari que j'aimerais bien pouvoir le mettre à la poubelle.

Un jour, j'ai tout vu en noir et je me suis dit que j'avais mis au monde un enfant qui serait toujours malheureux. Alors j'ai réfléchi : comment le tuer pour qu'il ne souffre plus ? Je me suis dit « 3 minutes la tête sous l'eau et tout ce calvaire s'arrête ». Heureusement j'ai appelé ma psy qui à réussi à me raisonner.

Car j'avais une psy, heureusement. J'étais déjà suivie pour dépression et je faisais l'objet d'une certaine vigilance, ce qui a permis que les soignants autour de moi réagissent vite lorsque je me suis effondrée.

Quand mon fils a eu 2 mois exactement, ma psy s'est aperçue que je vivais avec une petite fille dans la tête : j'imaginais que j'allais avoir dans 9 mois une petite fille, et qu'il fallait donc que je ne prenne aucune contraception pour espérer la voir un jour. Autant dire que la psy a réagi au quart de tour. Le lendemain j'étais hospitalisée à temps plein dans l'unité mère enfant de ma ville, avec mon bébé.

Pendant ce séjour de 2 semaines à temps plein, je me suis sentie abandonnée, laissée à moi même, et en même temps obligée de protéger mon bébé de certaines autres patientes. Je l'ai très mal vécu. Les mamans y étaient vraiment très mal, ce qui était en fait mon cas aussi.

On m'a donné un « traitement de malade » au sens propre comme au sens figuré. Je devais prendre 6 mg de risperdal et 3 seresta à 50 par jour . Avec de telles doses, j'aurais été capable de dormir 24 h/24 mais on ne m'a jamais laissé vraiment me reposer. J'avais également du dépamide. J'ai passé 15 jours en enfer avec la menace d'un des infirmiers, qui m'avait dit que si je faisais pas ce qu'on me disait je ne reverrais plus jamais mon fils (on m'a dit plus tard que c'était faux, mais sur le coup je ne l'ai pas su et j'ai vécu cette hospitalisation dans la terreur).

De plus, la présence de mon bébé ne m'apportait aucun réconfort, parce que, à ce moment-là, je n'arrivais pas à l'aimer, et il ne représentait pour moi rien d'autre qu'une corvée. Mais les soignants tenaient absolument à préserver le lien mère-enfant, ce qui, au final et avec le recul, était une bonne chose. Par contre, ce n'est pas moi qui donnais le biberon la nuit. De toute façon ça aurait été impossible.

Ce qui etait terrible c'est qu'il n'y avait pas de jardin, on était donc enfermé ; je n'avais droit qu'à une heure de balade à l'extérieur. Mon mari pouvait venir de 9h a 21h, mais en dehors de ça il n'y avait aucune activité ; et on ne voyait pas beaucoup la psy.

Quand j'en suis sortie, mon fils me faisait horreur, je ne voulais plus l'entendre, je ne voulais plus le voir, je ne voulais même pas savoir qu'il était sous le même toit que moi.

Malgré le mauvais souvenir que je garde de ces deux semaines d'hospitalisation conjointe à temps plein, je n'en veux pas à cette unité. L'hôpital de jour a ete une vrai chance pour moi, et l'un ne peut fonctionner sans l'autre.

A partir de ma sortie du temps plein, je suis allée 2 jours par semaine à l'hôpital de jour mère enfant pendant 6 mois, puis une fois par semaine pendant les 2 mois suivants. C'était dur au début. Mais les mois ont passé, on m'a laissé du temps, et je me suis surprise a découvrir mon fils et à arriver à apprécier sa compagnie.

La vie y était très différente du temps plein. Comme au début je ne supportais plus mon fils, toute l'équipe m'a dit : « reposez vous, on s'en occupe ». Ainsi, les premières semaines, j'ai pu ainsi le mettre totalement "de côté " ; ça a été un temps nécessaire pour pouvoir repartir de l'avant. Je ne m'en occupais que quand le désir s'en faisait sentir chez moi ; ce qui était très rare dans les premiers temps.

Il y avait un rituel le matin à 10 heures : toutes les mamans posaient leur bébé (s'en débarrassaient?) sur un immense tapis de jeux, et buvaient tranquillement le café avec des petits gâteaux, pendant que l'auxiliaire de puériculture s'occupait des bébés. Puis on jouait un peu avec notre enfant, et quand on en avait assez on demandait à l'auxiliaire si elle voulait bien le garder pour qu'on puisse faire une pause (par exemple sortir fumer) ; elle était toujours d'accord.

A midi on allait manger seules sans les bébés, c'était l'équipe qui prenait le relais et les faisait manger. A 13h c'était l'équipe qui mangeait, et nous on reprenait le café en attendant ; mais là, il fallait avoir un œil sur son bébé. Celles qui voulaient pouvait aller dormir dans la chambre de repos des mamans, l'équipe prenait en charge leurs bébés. L'après midi, j'avais relaxation de 14h a 14h30, ce qui me permettait de faire une vraie coupure. Ensuite on enchaînait sur une activité d'éveil avec bébé, guidée par l'auxiliaire de puériculture. Il y avait une salle pour faire dormir les bébés. On voyait la psy tous les jours pendant l'hospitalisation.

Et petit à petit le désir de passer quelques moment avec mon fils a augmenté jusqu'à attendre impatiemment l'activité d'éveil. C'est au cours d'une séance de relaxation, vers la fin de ce parcours, que je me suis aperçue que j'incluais mon fils aux scènes de détente que l'infirmière me disait d'imaginer. Et c'est là que j'ai realisé qu'enfin, ça y était, j'aimais mon fils.


A ses sept mois et demi, j'ai fini par dire qu'avant, ce bébé je ne l'aimais pas, mais qu'aujourd'hui oui. La psy m'a dit alors que j'allais bientôt pouvoir quitter l'unité. J'avais réussi à créer ce lien entre mon enfant et moi. Je ne sais pas comment, mais grâce à leur patience et leur aide cela s'est produit.

Egalement grâce à cet hôpital de jour, j'ai reçu un traitement aidant mais qui ne m'assomait pas. Dès la sortie du temps plein, la psy de l'hôpital de jour a commencé à diminuer progressivement mes prises de risperdal. Je suis partie de l'hôpital de jour avec seulement 1 mg de risperdal, 4 seresta 10, le dépamide et du zoloft. Avec ce traitement, j'étais bien et j'avais même assez d'énergie pour m'occuper de mon fils.

Aujourd'hui mon fils a 2 ans, il est très heureux et moi aussi. J'ai le souhait d'en avoir un deuxième. Je suis à nouveau suivie pour que tout se passe au mieux.

Je me demande ce qu'aurait été ma vie et celle mon fils sans cette unité mère enfant. Je ne les remercierai jamais assez.




Lucasmontresor

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