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Mon post-partum




Août 2018

Avec mon mari, nous décidons de nous lancer dans l’aventure parentale. Nous ne nous sentons pas plus prêts que cela mais le serons nous un jour… l’inconnu sera dans tous les cas au rendez-vous. Parfois, il faut simplement sauter et faire confiance.

Octobre 2018

J’apprends que je suis enceinte et nous accueillons cette nouvelle avec une joie immense. Je vis une grossesse absolument parfaite sans nausées, ni d’envie alimentaire sortie de l’espace. J'arbore un beau ventre rond que j’aime infiniment… Je me sens bien, belle et en accord avec mon corps. Mon mari continue sa vie sans vraiment intégrer ce bébé à venir. Il ne comprend pas l’intérêt de toucher mon ventre ou de lui parler. Il trouve même ça « ridicule », mais ce n’est pas grave, je suis la plus heureuse !


Mai 2019

8 mois de grossesse, nous voilà propriétaires de notre première maison, les mains dans les cartons et la peinture pour emménager au plus vite dans notre nouveau nid. Je suis à fond, je ressens le besoin de tout gérer, driver comme à mon habitude. Je ne m’arrête jamais et mes amies me supplient de me reposer et surtout de m’asseoir.


Juin-Juillet 2019

C’est la canicule. Notre maison est moderne, jolie avec de belles prestations mais nous n’avions pas anticipé le fait que cela serait un four. 31°C dans la maison, sans air, sans possibilité d’ouvrir car le goudron encercle la maison. C’est certainement perçu comme un détail pour tout le monde mais pour moi ce fut un enfer. A peine arrivée dans la maison, je voulais déjà partir. Je détestais cette maison qui me faisait vivre un calvaire.
C’est également à ce moment-là que mes premières angoisses apparaissent. Comment accueillir ma petite fille dans cette chaleur ? Comment vais-je pouvoir être pleinement disponible pour elle alors que je ne supporte pas cette chaleur qui m’étouffe ?
En 9 mois de grossesse, je n’ai pas ouvert un seul livre sur la maternité ni même sur l’accouchement. Je n’en ressentais pas le besoin. Je me suis toujours dit que les mères réussissaient cette aventure depuis la nuit des temps et qu’il n’y avait aucune raison pour que ce soit différent pour moi.


10 juillet 2019

On y est ! Ma fille est née. Mon accouchement a été magnifique mais le 10 juillet 2019 marque le début de ma chute. J’ai dû mal à réaliser ce qui m’arrive. Je suis dans un état de sidération et surtout je ne me rappelle pas avoir ressenti cette vague d’amour dont tout le monde parle. Ma famille et ma belle-famille se sont installées chez moi pour attendre mon retour à la maison à J+3. J’angoisse que tout se passe bien, vont-ils s’entendre ? Vont-ils prendre soin de la maison? J’use beaucoup d’énergie à m’assurer qu’ils sont bien installés et surtout à organiser les visites à la maternité pour ne pas avoir tout le monde en même temps et répartir équitablement le temps de chacun afin qu’il n’y ait pas de jaloux.

Il fallait que j’ai le contrôle. C’est mon caractère !

Contrôle que je n’avais pas du tout sur mon rôle de maman. Cela m’a également tirée insidieusement vers le fond.
Je décide d’allaiter ma fille, elle prend bien le sein, elle est plutôt coopérative. J’écoute avec attention les conseils des aides-soignantes, puéricultrices, sages-femmes, … autant de conseils que de personne. Ma fille continuait à perdre du poids et je sentais que quelque chose n’allait pas avec l’allaitement. Un jour, une aide-soignante rentre, prend ma fille et lui enfonce le biberon dans la bouche. Ce n’est donc pas sa mère qui lui a donné son premier biberon.

Très vite, je sens que rien de tout cela n'est normal


Je m’accroche quand même, je fais tout ce que l’on me dit. Pendant que ma fille prenait le biberon, je tirais mon lait nuit et jour. Mais rien à faire, rien ne sortait. Et pourtant, j’avais la montée de lait, mes seins étaient énormes et douloureux. Je suis passée d’un bonnet 90A à 100D en trois jours. Le médecin est venu avec tous ses internes et me demande d’enlever mon t-shirt. je m’exécute, mon corps ne m’appartient plus depuis déjà un moment. je dois stopper l’allaitement, je fais un engorgement aux deux seins et il faut absolument faire redescendre la pression pour éviter l’infection ou l’abcès qui m’aurait conduit à l’opération.
J’accepte, je n’en peux plus, j’ai mal et je suis épuisée et je me sens tellement nulle de ne pas réussir à nourrir mon enfant. Deux infirmières arrivent avec du bandage. Elles s’y mettent à deux pour me bander la poitrine et serrer pour stopper la nature, c’est une douleur insupportable .
Mon séjour s’éternise. Je reste 7 jours à la maternité. Ma famille est donc venue pour rien. Ils ne me verront pas autrement qu’à la maternité. je m’en veux !
Je passe mes journées à pleurer, il parait que c'est lié à la chutes d’hormones. On m’a parlé du babyblues et je savais que j’allais le vivre, je me connais. J’exprime très rapidement que je ne me sens pas bien, complètement dépassée, que les discours du personnel soignant qui se contredisent me déstabilisent.

Personne ne voit ce qui est entrain de grandir puis pourrir en moi.


7 jours plus tard, je rentre à la maison, ma sœur vient me chercher. Arrivée à la maison, je ne me sens pas bien, stressée, angoissée, pas chez moi.
3 jours après être rentrée à la maison, je prends ma douche, et là je vois un filet blanc couler en continu de mes seins. Incroyable, le lait sort sans que je ne puisse contrôler quoi que ce soit. Encore une épreuve supplémentaire, mon corps me punit une nouvelle fois en ne répondant pas à mes choix. On m’a proposé de recommencer l’allaitement, mais pour moi c’était impossible, je craignais tellement de revivre la douleur de l’engorgement. Tant pis, il fallait bien que le lait s’évacue un jour de toute manière.

Moi, comme son père n'allions pas bien


A la maison, ma fille dort en cododo dans notre chambre, la chaleur est écrasante. Je suis inquiète de laisser ma fille en couche mais je ne peux pas imaginer lui mettre un pyjama avec cette chaleur.
Mon mari est physiquement présent, il fait à manger, passe l’aspirateur, prépare les biberons mais il ne parvient pas à trouver sa place de père. Il est effrayé à l’idée de manipuler la petite, il ne sait pas comment réagir, comment lui donner à manger ou changer la couche. Il se repose complètement sur moi. Mais moi non plus je ne savais pas. J’étais perdue, je me suis mise en mode automatique pour subvenir aux besoins vitaux de mon enfant parce que c’était de ma responsabilité.

J’ai voulu cet enfant, j’assume !


Le poids de cette responsabilité m’écrasait tous les jours un peu plus. Jusqu’à en perdre le sommeil. Il m'étais d'ailleurs impossible de dormir avec tous ces petits bruits que faisaient mon bébé. Les matins sont durs. Je suis héritable, épuisée et chaque matin je me demande pourquoi j’ai voulu avoir un enfant. Je réfléchis à la manière de me sortir de cette situation. Partir de la maison ? rendre l’enfant ? remonter le temps ? Faire en sorte de ne plus jamais me réveiller ?

Le quotidien devient infernal


La moindre petite contrariété se transforme en obstacle insurmontable. Il m’arrive régulièrement de laisser ma fille dans son lit et de partir hurler dans mon coussin en espérant que tout s’arrête. J’appelle ma mère pour qu’elle me retire cette douleur, pour qu’elle me dise quoi faire. J’avais l’espoir qu’en suivant le mode d’emploi, tout s’arrangerait. En réalité il était déjà trop tard, la maladie gagnait du terrain sans que rien ne puisse la freiner.
Heureusement, j’ai la force d’exprimer mon mal être. Je crie à qui veut l'entendre que je ne vais pas bien, que ce n’est pas un babyblues, que c’est plus douloureux que ça et que cette douleur augmente de jour en jour.

Mais personne ne se rend compte de l’ampleur des dégâts.

Après tout, c’est normal d’être un peu déprimée après une naissance, comme si c’était inclus dans le pack du « devenir maman ».
Ma famille et belle-famille se relaient pour ne pas me laisser seule. Cette présence me fait du bien et en même temps mon entourage n’a pas le comportement que j’attend d’eux. C’est tellement déstabilisant de voir qu’ils font tout leur possible pour m’aider mais que ça ne change rien. Je ne sais même pas exprimer ce que j’attend d’eux. Peut-être simplement qu’ils prennent mon enfant et me redonne ma liberté …

J'essaye tout


Je veux m’en sortir, je vais voir une kinésiologue, je vais voir la psychologue de la maternité, je participe à des ateliers mère/enfant à la pmi, je prends des compléments alimentaires, je mets des bouchons la nuit. C’est génial mais mon mari est incapable de gérer la nuit, c’est donc à moi de faire tous les réveils mais il culpabilise tellement qu’il reste éveillé. Je lui en veux parce que lui pourrait dormir. Moi, c’est ce que je ferais s’il pouvait me relayer.

Bref, rien n’est suffisant.

Ma fille a 1 mois et je m’enfonce toujours. Ma mère me convainc de mettre la petite dans sa chambre la nuit et c’est une vraie libération parce que je retrouve enfin le silence dans ma chambre mais je suis aussi terriblement angoissée.

Durant le premier mois, tous les soirs vers 19h, ma fille se décharge émotionnellement et devient inconsolable, mon mari et moi sommes à bout. Sur ce coup-là, mon mari est un vrai héros car il décide de prendre la voiture et de nous emmener tous les trois faire un tour. Par chance, ma fille adore le ronron de la voiture et c’est la sieste assurée pour elle mais aussi pour moi. La fraicheur de début de soirée me fait du bien. Pour une fois, c’est mon mari qui maitrise la situation, c’est lui qui conduit, moi je reste derrière avec ma fille. J’arrive enfin à me laisser emporter par le sommeil, quelques minutes certes mais ça me fait du bien.

Toutes les aides ne suffisent pas

Les rendez-vous avec la psy de la maternité ne donnent rien. Je pleure toujours autant, je veux toujours m’évader de cette vie qui ne me correspond pas. Je n’accepte pas cette vie où c’est mon enfant qui dicte mes faits et gestes.

Je lui en veux, je ne l’aime pas, je la déteste.

Je lui dis et je culpabilise.


Je veux qu’on m’aide, je veux sortir la tête de l’eau avec des médocs qui rendent « heureux ». Je n’avais juste pas anticipé que ce traitement médicamenteux incluait un suivi psychiatrique. Mais je ne suis pas folle ni déséquilibrée. C’est dur d’accepter car je crains ce médecin. J'ai peur qu’on me juge, c’est un échec. Je suis une incapable. Je finis par me raisonner et me rend à mon rendez-vous avec la psychiatre.

Le diagnostic est enfin posé clairement, je fais une dépression post-partum.

Quel soulagement, je ne suis pas folle, je suis malade. Enfin on me prend au sérieux. On m’explique que, lors des deux premières semaines de traitement, je vais très certainement tomber encore plus bas et qu’il ne faut pas que je reste seule.

Un retour aux sources nécessaire

La seule solution est de partir dans le sud chez mes parents, mais je culpabilise d’enlever son enfant à son père, cela me dévaste. Heureusement, ma mère ne me laisse pas le choix. Mon père n’a pas hésité à prendre le train du jour au lendemain pour venir me chercher chez moi car j’étais absolument incapable de prendre la moindre décision et encore moins de faire 8h de route en voiture avec mon bébé. J’imagine à quel point cela a dû être déroutant et douloureux de voir sa fille complétement déboussolée et même plus capable de faire une valise. Je ne désire rien, je ne veux voir personne. Un jogging, un t-shirt font l’affaire.
Même pour la nourriture, c'est compliqué. Aucun appétit et incapable de choisir entre des pâtes et du riz, c’est au-dessus de mes forces. Je voulais choisir mais je ne le pouvais pas. Choisir c’est prendre la responsabilité et ça c’était impossible.
Nous sommes à deux mois après la naissance. Deux semaines chez mes parents, c’est ce qu’il me fallait pour commencer à lever les yeux.

M’entourer des gens qui m’aiment, m’entourer de ma mère, elle qui m’a considérée comme un bébé pendant ce séjour, c’est tout ce qu’il me fallait : qu’on me dise quand et quoi manger, quand me laver ou dormir.


Deux semaines pendant lesquelles j’ai commencé mon traitement et préparer mon retour.
Deux semaines au bout desquelles mon mari est venu me chercher pour me ramener enfin à la maison.

Un retour à la vie bien plus doux


La suite n’a pas été facile mais bien plus supportable que les deux premiers mois. Mon mari travaillait énormément (à contre cœur) et ne voyait jamais sa fille. Aujourd’hui, il m’avoue qu’il repoussait l’heure du retour à la maison. Comment lui reprocher ?

Il est courant d’entendre des couples dire « nous sommes enceintes » alors il semble juste de dire que « nous étions en dépression post-partum ».


Puis l’heure de la reprise du travail a sonné. Mon médecin traitant souhaite prolonger mon arrêt mais il en est hors de question ! J’ai besoin de retrouver une vie sociale, d’être autre chose qu’une mère au foyer. Pendant mon congé maternité, j’ai le sentiment que toute ma matière grise coule de mes oreilles, j’ai peur de ne plus être capable d’exister par moi-même et que ma vie se résumera à mon enfant. J’ai donc repris le travail à la date convenue. Je n'ai versé aucune larme lorsque j’ai laissé ma fille pour la première fois chez la nounou, c’était une libération.

Enfin libre !


6 mois d’antidépresseurs et 1 mois de sevrage plus tard, j’étais libre. Sans traitement et enfin capable de ressentir de la joie, de me faire confiance et surtout de dormir paisiblement (mais toujours avec les bouchons). Tous les jours n’étaient pas roses mais ils n’étaient plus noirs !

Au 1 an et demi de ma fille, j’ai décidé d’entamer une thérapie pour comprendre, pour me rassurer et pour me laisser la chance un jour d’avoir un deuxième enfant.


2 ans et demi après la naissance de ma fille, nous avons gratté les moindres recoins de mon histoire et je peux à nouveau envisager de revivre l’expérience de donner la vie. Mais pas sans condition ni sans préparation ! Maintenant j’ai les outils ! Mon mari et moi sommes conscients des sacrifices des premiers mois et lorsque lui aussi sera prêt à s’engager à 100% dans l’aventure, alors seulement à ce moment-là, nous tenterons de donner un petit frère ou une petite sœur à notre fille !

Aujourd’hui je sais ce que je ne referais pas.


Lorsque ma grande sœur est devenue mère à son tour, je l’ai accompagnée lors des premiers jours à la maison. Le premier soir avec sa petite, j’ai ressenti cette angoisse que j’avais ressenti deux ans plus tôt avec ma propre fille. Sur le moment, je me suis dit que je me voilais la face depuis tout ce temps et que je n’étais pas guérie. Je me trompais car cette angoisse n’a duré que quelques secondes. J’ai su me reprendre et prendre du recul. Ce n’était pas mon enfant, je n’avais donc pas cette responsabilité à porter. Je suis guérie !

Ma dépression ne me définit pas et surtout ne définit pas mon avenir de mère !




Constance

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