Après deux fausses couches, tu es arrivé. J'ai vécu une grossesse et un accouchement de rêve. J'avais tout ce que j'avais toujours voulu : mon bébé dans les bras. Je me rappelle encore de la première nuit d'angoisse à la maternité, à la hauteur de la responsabilité de ta naissance. Je l'ai compris bien après…
S'en sont suivis de longs moments de solitude et d'inquiétude.
Je ne me sentais pas prête. On ne m'avait pas prévenue que tout mon monde allait être chamboulé. J'aimais comme je n'avais jamais aimé et j'avais peur, pour toi, comme je n'avais jamais eu peur. Je me suis oubliée car, après tout, maintenant j'étais maman. Je ne dormais plus, je n'avais plus de vie sociale, je ne travaillais plus. Mon esprit était encombré par tant de choses à faire : acheter des couches, prendre tes rendez vous médicaux, te sortir à la lumière du jour, faire tes purées maison bien sûr, t'éveiller, te parler, te bercer, te donner la tétée…
Je n'osais pas parler de ma solitude, de ma tristesse, de mes inquiétudes, de ma fatigue. Je t'avais tellement voulu que je n'avais pas à me plaindre ! Je n'étais plus une femme, plus une compagne, plus moi, j'étais juste maman. Soit ! Mais est venu le temps de reprendre le travail … tout a chaviré. Le manque de temps, le manque de sommeil, le manque de patience, le manque d'envie . J'étais devenue un robot, spectatrice de ma vie de mère. Ce n'étais pas ça que j'avais imaginé. Je voulais des rires sincères, des moments joyeux, savourer la vie de famille.
Depuis ta naissance, j'étais dépassée par les évènements. J'ai cru qu'être mère m'enlevait toutes mes autres identités. A la reprise du travail, je n'ai pas réussi à tout gérer. Après des mois de difficultés mentales intenses avec moi même, mon conjoint et les autres et un épuisement maternel réel, c'est là que j'ai accepté, sur les conseils de ma sage femme (que je remercie au passage), d'aller consulter une psychologue. Elle m'aide à accepter la différence entre ce que j'avais imaginé de ma vie de mère et la réalité. Je fais aujourd'hui le de mon rêve de petite fille d'être une mère parfaite et j'accepte MA réalité de vie de mère. Tout est si différent. La maternité n'est pas linéaire. Je l'ai accepté maintenant. Il y a des jours où tout va bien et d'autres où ça va moins bien.
Osons en parler entre nous, car nous traversons "presque" toutes -à des degrés différents- les mêmes difficultés. Si c'est régulier, il ne faut pas laisser trainer. Si c'est passager, ça fait du bien de déposer nos maux/mots quelques part. Mon témoignage est un témoignage d'espoir. Ne restez pas seule comme j'ai pu le faire. Aucune difficulté et aucune souffrance ne sont plus légitimes qu'une autre. Chacun peut et doit avoir l'aide dont il a besoin.