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AdhérerFORUMAide d'urgence

Quelque chose ne va pas. On ne me fait plus confiance



Je suis une maman sans fleurs. Sans bravo, vous avez un beau bébé, vous avez été courageuse. Sans valise spéciale naissance pleine de coupons-réponses débiles.
Juste un petit bracelet que je porte au cou... mon enfant va très bien. Seulement il est loin de ses parents sans comprendre pourquoi.

Voilà notre histoire :
Deux jours avant la date du terme je ne me sentais pas très bien.
Tout le week-end des contractions qui me faisaient penser « vania pocket », sans plus.
Nuit infernale, du coup lundi matin j'accompagne A à son travail et je me rends à la maternité. Il fallait que je sache.
Le monitoring est inquiétant pas de mouvements actifs du bébé, un coeur qui faiblit à chaque contraction. Me voilà au milieu d'une scène d'urgence.
Le gynéco me dit derrière son masque qu'il va falloir m'endormir, me faire une césarienne, que le bébé va mal...
Chute de dix étages.
J'attrape au vol un téléphone qui passait par là, prévenir le papa, trouver une copine compatissante pour le ramener.
Le papa arrive. Attente, pas gêner le train-train des blouses blanches, me rassurer voir B.

Que faire dans ce cas ? Quand je me réveille j'ai mal. Je crois que B est encore avec moi. C'était in extremis, nous dit-on, convulsions, réanimation, intubation, transfert en hélico.
Dur retour aux choses ! On ne m'a pas dit ce qu'il m'était arrivé, à moi. Je sais juste que j'ai été ouverte et refermée, que je n'ai pas accouché.
Juste le pédiatre inquiet, et un profil de sage-femme essoufflée qui me tâte le ventre à me faire hurler en me demandant si ça va. Le papa, lui, était là. C'est lui qui a réussi à me faire voir un genou et une joue dans la couveuse avant le baptême de l'air. Ils voulaient attendre 3 jours avant de me rapprocher de B. Je leur ai dit que dans tous les cas demain soir je serais vers lui, quitte à m'y rendre par mes propres moyens. Ils m'ont trouvé une ambulance et m'ont amenée à Lyon sud.
A me suit, on va voir B.
Premiers contacts avec les gens et les machines qui maintiennent nos petites crevettes en vie. Ce sont nos bébés, ces petits êtres bioniques qui doivent leur souffle à une machine... On se sent bien malgré tout, on nous écoute. On nous soutient. Quel baume au coeur !

Tout d'un coup je deviens une super-maman, qui doit sauver son bébé !
J'oublie les agrafes, la bétadine, les sarreaux, je tire mon lait pour B et pour quelques-uns de ses copains. Je me dis qu'il faut à tout prix que je le rassure, que rien de moi ne doit avoir peur devant lui, ou même s'interroger.
Mon coeur, mon souffle, ma voix, ma sueur, tout doit lui dire que je crois en lui. Ma mère au téléphone me dit de ne pas trop me fatiguer, mais comment faire autrement ? J'ai vu son coeur s'accélérer quand il me remarque, ses yeux sortir de leur plafond et me chercher quand je l'appelle ! Je mange souvent froid la mange glauque de l'hôpital.
Ce n'est pas grave. Je suis avec B, je suis soutenue. On se sert les coudes avec les autres parents comme nous. A passe dès qu'il peut après le boulot, il faut bien payer les factures.
Visite de ma mère et de mon frère un samedi. B se remet mieux que ce qu'on craignait, nous dit-on. Miracle : B retourne à l'hôpital de M après 10 jours !
Encore 5 jours à attendre... Le temps de mettre en place le suivi pédiatrique, le temps qu'ils voient qu'il mange bien, qu'il grossit bien, qu'il fait bien son caca. Enfin à la maison !
La fatigue de l'opération, tirer son lait, se lever deux fois dans la nuit. Le papa tient l'intendance. Il prend le relais souvent. Je ne m'écoute pas trop : je dois pouvoir assurer quand il retournera au boulot. Seule dans la journée pendant qu'A bosse. Je contacte la PMI comme on m'avait conseillé, on le pèse, on le regarde, on le félicite. Je fais confiance.

Je leur dis que j'ai l'impression que c'est la cigogne qui m'a amené B.

Je prends le courage de leur dire ma peur. Ma mère a été violente avec moi, nous n'avons jamais pu exprimer de réelle tendresse. J'ai peur, comme tous les enfants violentés par leurs parents, de recommencer, de craquer. Je leur dis. Elles notent dans leur calepin. Moi face à elles je me sens petite fille de huit ans, capable de toutes les soumissions pour me faire aimer... elles me notent comme ça.
Elles ne comprennent pas que je me sente mal alors que j'ai un si beau bébé qui ne montre aucune séquelle de sa naissance.
On hospitalise B pour des examens à l'hôpital où il est né. Je crie ma colère à une stagiaire dans l'ascenseur qui m'arrache le dossier de mon accouchement des mains en me disant d'écrire au directeur. Je pleure quand la puéricultrice vient me tancer sans ménagement. Elle ne me demande pas ce qui se passe. Le bébé va bien, donc tout va bien. Grosse fatigue. Un accident. La voiture est détruite et j'ai la tronche en sang. Heureusement je suis seule et pas trop blessée.

Et l'angoisse que je tais remonte. Je suis une mauvaise mère, je n'ai pas été capable d'accoucher normalement, j'ai failli laisser mourir B. Je craque devant la moitié du quartier.
Le maire prévient la PMI. Qui arrive en force l'après-midi à la maison. Nous sommes très fatigués, on nous propose un "dépannage" temporaire. B part chez une "nounou" le soir même, toutes les nuits pendant un mois. Nous ne savions pas que nous venions de signer des papiers de placement volontaire en famille d'accueil. La nounou est gentille. Elle nous respecte. Tout se passe bien.
J'ai seulement noté une volonté acharnée de la PMI de prolonger ce placement. Elles n'ont pas compris que B nous manquait, que je voulais reprendre pleinement mon rôle de mère, que j'ai besoin qu'on me fasse confiance. La vie de famille continue.
On essaye de construire quelque chose ensemble. La PMI continue de s'ingérer : pesées par ci, conseils par là. Je cherche à travers eux un modèle autre que celui de ma mère. Je lutte contre le manque de confiance, l'anxiété, la colère, les envies de tout casser qui me prennent parfois. On commence à se réapproprier notre fils, on se moule autour de lui. Je le porte en écharpe. Il aime les animaux. Nous mettons souvent plus d'une heure pour faire un trajet de 500 mètres ! B aime ça, il devient très sociable, très expressif.
Une grosse poussée d'eczéma. La PMI nous amène, B et moi, à l'hôpital, pendant qu'A est parti chercher la nouvelle voiture. Un week-end à l'hôpital, le temps que l'eczéma "blanchisse". Au retour B commence à se réveiller la nuit. Pas de faim. De peur de ne plus voir sa maman, de besoin de bras. Il ne faut pas réveiller A qui a un travail épuisant.

Et les questions qui reviennent : pourquoi se réveille-t-il ? Qu'est-ce qui lui fait peur ? Devant les autres mamans j'ai l'impression de me plaindre inutilement. Pourquoi pleure-t-elle alors qu'elle a un si beau bébé ? Est-ce que je m'y prends bien avec lui ? La fatigue reprend le dessus. B a peur, une nuit il me le dit pendant plus de deux heures.
Le lendemain, épuisée, démoralisée, je lance des bouteilles à la mer. Les copines sont au boulot. Je téléphone à la PMI. Qui se met à décider pour nous. On passe nous chercher, B et moi, pour nous emmener à la circonscription sociale. On me fait signer des papiers de placement à l'usure pendant qu'A travaille. A mis devant le fait accompli le soir n'est pas d'accord. J'emmène quand même B le vendredi soir, car j'ai peur des réactions si je me désiste au dernier moment. B repart 4 jours et 5 nuits. La nounou est gentille, mais elle prend des initiatives. Poudre de Perlipinpin sur l'eczéma à la place du cold-cream, biberons bétonnés aux céréales.

Quelque chose ne va pas. On ne me fait plus confiance. Tout ce qu'on a bâti est systématiquement critiqué par les services sociaux. A me trouvant en larmes après un coup de fil à la nounou reprend son droit de père. Nous décidons de retirer B de chez la nounou le mardi matin. On explique le problème avec les "responsables" qui nous ferment leur porte et nous raccrochent au nez. On va donc chez la nounou. Qui "n'a pas le droit de nous le rendre". Après quelques cris on nous remet enfin B. Il a une joue infectée, les mains, le nez et les oreilles sales.
Mais la tension est déjà montée. Les gendarmes nous serrent sans trop qu'on sache pourquoi. Dépositions en gendarmerie dans le calme. Et soudain l'horreur. Les "responsables" sociaux arrivent à la gendarmerie. Et c'est comme dans Le Kid. On m'arrache B, on m'étrangle, on le déshabille dans mes bras pour le récupérer plus vite. A ceinturé par les flics les voit s'enfuir avec notre fils à moitié déshabillé, dans le vent et le froid, et jeter B dans la voiture. Et hop ! A la maison de l'enfance.

Deux jours après, séance de laminoir chez le juge, qui nous reproche notre "violence inacceptable" face aux services sociaux. Pourtant B n'est visiblement pas maltraité : pas de trace de coups, ni de comportement de peur face aux adultes, nous dit la maison de l'enfance. Ça ne suffit pas. B est condamné à vivre 6 mois avec des inconnus, avec une heure et demie de "parloir" avec ses parents par semaine.
Notre déchéance, notre souffrance. A, enfant adopté, va voir son fils en maison de l'enfance. Des anti-dépresseurs pour "faire comme si", pour faire que "tout va bien". Ma honte de ne pas avoir su protéger mon bébé, de m'être fait avoir. La sensation d'avoir été amputée. La colère face au mensonge. La haine. Les psys pour tenir le coup.
Et toutes les semaines ça recommence. Petits bonheurs volés aux gardes-chiourmes. Appels à B tous les jours pour lui dire qu'on l'aime, qu'on se bat pour lui.
Jouer la comédie face aux voisins, aux commerçants, à la famille. "Il est chez la nounou Rentrer dans une chambre vide. Voir des bébés dans la rue et pleurer. Juste vivre pour le récupérer. Le vide dans notre vie. Une sorte de deuil d'un enfant vivant. Et puis réclamer des nouvelles de sa santé, qu'on nous donne au compte-gouttes. Juste un brouillon griffonné à la hâte qui nous tient lieu de compte-rendu du pédiatre.
B "fait son immunité" à coups de bronchites, d'otites. On préfère le vacciner contre le pneumocoque, pas risquer qu'il n'attrape une méningite.
B qui découvre la détresse, la peur d'être abandonné. Il apprend à pleurer. Il encaisse. Maintenant quand les gardes-chiourmes décident que bon, c'est l'heure maintenant, il ne pleure même plus, juste sa petite bouche serrée dans la voiture. B qui se demande où sont son papa et sa maman. Qui a peur car il sent bien que nous n'allons pas bien.
Et surtout l'angoisse de l'après. Quand va-t-on nous rendre B, faire cesser cette torture ?

Comment reprendre la vie avec son bébé quand on ne sait plus à quelle heure il se lève, et toutes ces petites choses qui évoluent ?
B fait ses dents, il se met sur le ventre, nous dit-on. Mais nous on ne le voit pas faire tous ces petits pas.
Et le futur ? Que va-t-il lui rester de tout ça ?  Et toutes les autres choses qui nous bouffent. La dureté des services sociaux. La solitude. La difficulté pour trouver des informations, pour savoir que faire.

Appel ? Défenseur des enfants ? Nous avons besoin d'aide. Qu'on nous écoute, qu'on nous soutienne, qu'on nous aide à nous défendre, à reprendre B de plein droit avant la fin de la peine.

Merci de nous avoir lus.

Qui a les blancs sur cet échiquier ? Les blancs ont toujours un coup d'avance, les noirs jouent forcément en défensive.




Une Maman sans fleurs

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