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Qu'il était donc difficile d'être maman sans avoir été petite fille... !



J'avais depuis toujours, en tous cas d'aussi longtemps que je me souvienne, souhaité être mère.

Je sais aujourd'hui que j'entretenais l'illusion d'un énorme bonheur car je pressentais certainement que ce serait aussi mon "merveilleux malheur"...

J'ai donné naissance à une petite fille en 1998, dans des conditions d'accouchement difficiles mais après une grossesse idyllique... Trop idyllique pour être normale d'ailleurs...

Accrochée à l'allaitement comme à une dernière bouée, j'ai réussi encore 10 mois à contenir face à ma fille, dans cette relation fusionnelle et charnelle, les vagues terribles d'angoisse et de dépression qui m'assaillaient déjà.

Ma fille refusant de continuer à téter passés ses 10 mois, refusant certainement surtout de continuer à soutenir cette demi-mère hors de l'eau à elle toute seule, j'ai sombré.

Peu à peu gagnée par la dépression, les insomnies, mon entrée en thérapie analytique... J'ai vu s'écrouler jour après jour toutes mes défenses savamment construites au fil des années, tout ces refoulements de mon enfance, et je me suis retrouvée confrontée à ce qui devenait, que je le veuille ou non, une petite fille, comme je l'avais été moi-même.

J'étais une demi-mère, physiquement mère mais sans "mode d'emploi".
Qu'il était donc difficile d'être maman sans avoir été petite fille... !

Et qu'il était terrible de s'imaginer ce qu'avait dû être la souffrance de la petite fille que j'avais été face à une mère mal traitante !

Pendant des années je n'ai pas été capable de vivre un câlin sans ressentir une angoisse terrible...

A de nombreux moments, le soir tout particulièrement, je n'ai pu passer devant la chambre de ma puce endormie sans avoir peur d'avoir envie de lui faire le mal que l'on m'avait fait... J'ai rêvé que je la tuais... Toute la violence de mon enfance resurgissait et je ne pouvais dissocier mon enfant de l'enfant que j'avais été et la femme qui m'avait porté de la femme que j'étais...

Incapable d'être mère face à une petite princesse qui n'avait que moi...

Confrontée à son père qui n'était plus un amant et qui n'avait guère plus confiance en moi que moi-même, j'ai traversé toutes ces années en me battant "bec et ongles" pour devenir enfin mère, pour protéger ma fille de mes angoisses, de ma tristesse, de mon désarroi...

Désespérément à la recherche du "mode d'emploi" de cette petite merveille que je m'étonnais toujours d'avoir pu porter et qui m'en demandait tellement trop... et qui continuait de grandir sans moi, presque malgré moi...

Il y a deux ans, pour des raisons certainement comparables à celles qui m'avaient poussée à vouloir un premier enfant, je me suis à nouveau poussée dans le vide un peu comme quelqu'un qui se dit que "cette fois ci, je volerais", j'ai souhaité un second enfant.

Après quelques mois ce petit s'est annoncé... Assez facilement en fait malgré de nouvelles périodes d'insomnies et d'angoisses... et à une première grossesse anormalement idyllique s'est succédé une seconde qui fut un gouffre dont j'ai cru ne pas sortir... aux confins de la folie... aux prises avec des crises d'angoisse paroxystiques sans aucune médication efficace possible du fait de mon état.

Ce n'est qu'après sept semaines de véritable enfer que, pour ma fille, pour qu'elle garde malgré tout une mère, bien piteuse certes mais un peu maman tout de même, que j'ai décidé de tuer ce second petit.

Cet avortement qui m'apparaît aujourd'hui comme une geste parfaitement compréhensible au vu de mon histoire, a été une libération à deux titres : libérée de cette grossesse que je ne pouvais pas vivre, j'ai aussi trouvé la liberté de construire avec ma fille des relations enfin légères...

La maternité de m'est pas venue toute seule, elle est pour chaque femme un chemin à parcourir mais pour moi elle a été une véritable bataille de plus de cinq années.

J'ai toujours aimé ma fille plus que tout... Même à des moments où je ne l'ai aimée que parce que je sentais que quelque part je pourrai un jour l'aimer... Par espoir simplement... Je jouis aujourd'hui du bonheur de pouvoir la câliner sans imaginer tout de suite que j'ai aussi le pouvoir de la détruire...

Je reste fragile et ne me pardonne que difficilement tout geste d'énervement, d'exaspération... mais j'ai enfin réussi à me fabriquer "mon" mode d'emploi de maman...

Je constate avec soulagement qu'elle aussi a passé ces années sans grands dégâts...

Elle a toujours du quelque part dans sa petite tête de bébé puis de petite fille savoir que je me battais pour elle et gardé confiance...

Elle a certainement été le plus souvent la seule à y croire, et c'est certainement aussi pour cela que j'ai survécu... Tout comme elle m'avait soutenue tant qu'elle pouvait pendant les 10 premiers mois d'allaitement.

Je n'ai pas tout de suite su être mère, mais elle a tout de suite su être ma fille... Elle est pleine de ressources et a même passé ces derniers mois, marqués par la séparation de ces parents, avec une force étonnante...

Je me fais aujourd'hui peu à peu à l'idée que je suis maman entièrement, après des années passées à n'être qu'une moitié de mère en guerre... Une maman entièrement de deux amours.




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