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Un "double" accouchement



LETTRE À MON FILS

Mon cher enfant,

Avant toi, je croyais qu'on naissait mère comme on naît fille ou garçon, brun ou blond, français ou italien.
Je pensais qu'être mère était la chose la plus évidente qui soit, qu'elle découlait du désir d'enfant concrétisé par une grossesse et finalisé par un accouchement.
Oui, avant toi, j'avais tant de certitudes…

Comme celle d'être une bonne mère : je l'étais déjà devenue deux ans et demi auparavant par ta sœur. Pourquoi se poser des questions ? C'était, me semblait-il, une chose évidente et naturelle : j'allais être mère pour la seconde fois mais cette fois-ci d'un petit garçon.

Il faut tout d'abord que je te raconte « mon tremblement de mère ».
Ta naissance, même si elle a été ce tsunami qui m'a littéralement submergée, a été aussi une des plus belles choses qui me soit arrivée avec celles de tes sœurs. Tu es venu remettre en cause le fragile et précaire équilibre sur lequel j'avais construit ma vie. Ta naissance m'a renvoyée à la mienne, moi qui ignorais que c'est effectivement sa propre naissance que l'on rejoue à chaque fois en mettant un petit être au monde et que la maternité n'est pas simplement un passage physique mais éminemment psychique.

C'est l'histoire d'un déracinement :
Si l'on résume la succession des événements qui m'ont plongée dans « ce tremblement de mère », il y eut d'abord un déménagement mal vécu. Je quittais la ville que j'aimais tant pour une campagne encaissée, isolée et souvent pluvieuse, où je me sentais seule et loin de mes amis. Tu as été conçu dans ce contexte très angoissant pour moi de nouveauté, d'adaptation à une nouvelle vie, à un nouvel univers.
La grossesse s'est bien déroulée jusqu'au quatrième mois, où, du jour au lendemain, le médecin m'a mise en arrêt : je devais prendre du repos et éviter la voiture.
Cette « mise au vert » imposée a été très dure à accepter : on m'enlevait ce que j'aimais le plus au monde : mon métier avec les enfants, métier qui permettait de préserver un lien social seul élément de mon univers qui n'avait pas changé depuis ce déménagement.
On me forçait à rester seule dans un endroit qui ne me plaisait pas.

Et puis, cinq mois plus tard, ce fut l'accouchement et ta naissance : un « double » accouchement.
Il y eut donc pour commencer une douleur longue et intense qui m'a terrassée des heures durant et contre laquelle je n'avais aucune protection. J'ai beaucoup souffert pendant cet accouchement et sur le moment j'ai éprouvé une grande colère contre toi alors que tu n'y étais pour rien et que, pour toi aussi, cela devait avoir été très dur.
En dehors de cette douleur âpre et dure, ce qui pour moi a été le plus difficile, fut ce terrible sentiment d'abandon que j'ai ressenti sur le moment. Je me suis sentie abandonnée de tous, mari, personnel et y compris de Dieu. En effet malgré mes prières de désespoir, Dieu semblait rester sourd et mon calvaire continuait.

Ce n'était pas qu'une douleur physique, j'accouchais également d'une souffrance morale et psychique, cachée là, au creux de l'âme et qui s'extériorisait en même temps que toi.
J'enfantais un garçon et en même temps autre chose : une révolte, un ras-le-bol général …
J'avais mal partout : dans mon corps, dans mon cœur et dans mon âme.
Ma confiance en moi - déjà fragile -a été rudement mise à l'épreuve durant cet accouchement et elle continua de l'être durant tout le post-partum. Le retour en chambre puis à la maison furent des plus difficiles : dès ces premiers moments, je ne ressentais plus rien, pas de déclic pour toi, mon enfant, plus aucun sentiment d'ailleurs, juste l'envie de dormir jusqu'à la fin de mes jours.
Mon problème a commencé là : étais-je trop fatiguée pour aimer, ou était-ce que le fait que je ne ressente pas « assez d'amour » qui me fatiguait à ce point ?

La dépression du post-partum ou « le mal de mère » ?

J'aurais tant voulu sortir de cet hébétement pour te crier que je t'aimais, j'aurais tant voulu revenir à moi-même et maîtriser ce qui se passait en moi mais je ne pouvais pas.
Je ne ressentais plus rien à part une immense et insondable fatigue qui ne me quittait plus.
La nuit, le sommeil ne me reposait plus : je dormais peu et mal car j'étais assaillie par des angoisses presque permanentes.
Qu'est-ce qui pouvait bien m'arriver ? Je perdais l'appétit, le sommeil et la joie : j'étais une loque !
La journée, je ne me sentais pas bien et j'aurais voulu qu'on m'aide à m'occuper de ce petit bébé si facile au demeurant et qui, paraît-il était le mien ?!
Quelle injustice de souffrir de la sorte alors qu'on venait de donner la vie : c'était un enfer que de ne pouvoir « aimer son enfant », lui manifester des sentiments de tendresse et d'attachement !

Je ne me sentais pas ta mère et c'était une douleur insupportable qui provoquait en moi une immense culpabilité. Dans un sursaut de vie, j'ai alors cherché à identifier le mal pernicieux et obscur qui me rongeait, le mettre en mots et j'appris que je souffrais d'une dépression post-partum, consécutive à l'accouchement.

J'ai alors cherché plus d'informations via Internet et j'ai découvert un site exceptionnel conçu pour aider les mères en difficulté relationnelle avec leur enfant.
Il m'a énormément encouragée et rassurée. J'y ai appris que je n'étais pas seule mais que ce fléau touche une femme sur dix chaque année.
Quel secours formidable !

Les aides et secours extérieurs que l'on peut trouver :
Une aide médicale et spirituelle : Ma grande chance fut de réagir au plus vite dès les premiers symptômes et d'aller consulter. J'ai pu ainsi bénéficier d'une double aide, à la fois médicale et spirituelle.
Les deux sont à mon avis essentielles dans cette maladie. Grâce à une thérapie et aux visites d'un ami et pasteur, j'ai pu sortir la tête de l'eau et commencer à espérer.
C'est vrai que lorsqu'on est dans l'épreuve, Dieu semble lointain et il est bon de s'entendre dire le contraire même si on ne le vit plus au quotidien ! Ce chemin vers la guérison fut un des plus durs et harassants de ma vie mais des plus salutaires aussi. « Life is a struggle » me disait un professeur de lycée et il n'avait pas tort.
Je l'ai expérimenté par moi-même et cela n'avait rien à voir avec tout ce que j'avais vécu précédemment. Il fallait à présent que je sois volontaire et que je me batte chaque jour pour toi, pour nous deux : Dieu serait alors à mes côtés.

Les clins d'œil divins : Tu vois, Dieu m'a souvent parlée à travers toi, mon enfant. Très tôt, tu m'as appelé « maman ». Tu n'as pas idée de ce que ce petit mot a pu engendrer chez moi qui croyais bien ne jamais pouvoir l'être, tu m'as baptisée ta maman mais il fallait encore que je le devienne réellement.
A travers ton regard bleu paisible, Dieu m'a souvent réchauffé le cœur me disant : « Aie confiance, ton fils va bien. Tu vas t'en sortir et y arriver un jour. »

Des oasis dans le désert : J'ai connu néanmoins des brillants soleils dans cet orage de dix-huit mois grâce à l'amitié de plusieurs personnes. Dieu ne m'avait pas abandonnée comme je le croyais depuis le début de cette aventure. Il avait en effet envoyé des personnes sur ma route (thérapeutes, pasteur) et Il a continué en me donnant une amie qui sut comprendre mon désarroi et m'offrir ce dont j'avais le plus besoin : de l'amour et de l'amitié. A l'image du Bon Père Céleste qui aime ses enfants et les accueille généreusement, j'ai été accueillie simplement dans cette famille.

Je dirais ensuite que j'ai été bien entourée. D'abord par ton papa, ta sœur et ma famille, sans oublier mes amis. Tu ne peux pas savoir combien cette aide a été précieuse pour moi. Le contact avec autrui, les visites ont été des points d'appui pour moi. L'entourage est en effet essentiel dans ce type de maladie. Dieu a donc utilisé les autres, leur témoignage, leur vie pour m'encourager. « Il ne nous tente pas au- delà de nos forces mais avec l'épreuve Il prépare aussi le moyen d'en sortir. »

L'acceptation : En plus de repos et d'un sommeil réparateur, j'ai eu besoin de me ressourcer spirituellement en me réconciliant avec DIEU. J'ai repris pied dans la foi au fur et à mesure de ma guérison en réalisant que je ne devais pas en vouloir à Dieu de ce qui m'était arrivé. J'ai eu l'impression d'un abandon de sa part car je sentais que je ne serais plus jamais vraiment la même après cette naissance. J'avais changé pour toujours : tu avais fait de moi une nouvelle mère, ta mère. J'ai dû accepter ce changement avec tout ce qu'il comportait pour moi et notre famille.

J'ai alors dû essayer de devenir ta maman. Malgré mes limites, mes hésitations, ma fatigue, mes tâtonnements, j'ai essayé du mieux possible. Au début, je titubais, c'était douloureux, je ne savais pas comment m'y prendre mais j'ai essayé. Puis l'expérience aidant, je suis devenue chaque jour, grâce à tes sourires, un peu plus sûre de moi avec la satisfaction de faire des progrès.

Vers la restauration : Ce chemin vers la restauration a pris du temps.
Il y a eu des chutes et des rechutes, des jours tristes et des jours faciles mais Dieu a veillé. Il m'a guérie progressivement de l'intérieur. Il est la source de toute vie et Il nous connaît tous les deux mieux que nous-mêmes.

Par l'aide psychologique, Il a permis que je règle des conflits vieux de l'enfance !
Cette restauration n'a pas eu lieu sans réconciliations : avec Dieu, avec moi-même et avec les autres.

Alors, je voudrais, mon cher fils, te dire MERCI.
Par ta naissance, tu m'as permis de réécrire mon histoire, de me l'approprier pour mieux vivre. J'ai mûri et j'ai pu vivre une nouvelle relation aux autres, à Dieu et à moi-même.
Merci à toi de m'avoir fait devenir ta maman ; elle était là, cette mère tendre et attentionnée, depuis le commencement, blottie quelque part au fond de moi, comme un cocon fragile et timide n'osant pas sortir pour devenir un beau papillon…
Maintenant, elle vole !

NB : Trois ans après cette expérience, j'ai choisi de porter la vie à nouveau et suis devenue maman à nouveau ! Quel bonheur de revivre ces sensations avec un tout autre regard et de savourer chaque instant ! Quelle belle rencontre ! M. est venue apporter sa touche personnelle à notre famille pour la plus grande joie de tous.




Elivier

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